samedi 10 juin 2023

Noyers-sur-Serein (Didier le 10/06/2023)

Photo J. Fillis
Photos du jour.
Nous voilà partis à destination de Noyers-sur-Serein. Sarah nous avait enchantés pour la qualité de son pilotage sur la route d'Amiens, et Didier a obtenu de la compagnie de transport que Sarah soit ce matin aux commandes de son car pour nous accompagner dans l'Yonne.

En cour de route, Didier prend un instant pour nous informer du déroulement de la journée. Nous randonnerons en matinée suivant le cours du Serein sur un parcours de 6 km. Puis, Sarah nous conduira à Nitry pour le déjeuner à l'auberge de la Beursaudière.
Après les agapes, nous bénéficierons d'un visite guidée de Noyers-sur-Serein un magnifique village médiéval enclavé dans une boucle du Serein. Classé parmi les "Plus Beaux Villages de France" la visite nous promet une expérience hors du temps. Maisons à colombages, ruelles pavées et remparts bien conservés nous transporteront au cœur du Moyen Âge.

Pour l'heure, Sarah a arrêté son car sur la petite aire
🔰d'autoroute de la Racheuse. On a sorti les croissants et les boissons chaudes . Marie nous a gâtés de quelques pâtisseries. La vessie soulagée, l'estomac restauré, nous pouvons reprendre la route pour les derniers kilomètres. Sarah nous dépose à l'entrée du village et nous voilà partis, le pas alerte, pour la courte rando que Didier nous a concoctée dans ce petit coin de Bourgogne.

La rando du matin.

Nous descendons par la Rue du Pont Neuf vers le beau et grand lavoir à arcades du XIXème. Il est alimenté par les eaux limpides du Serein, un important affluent de l'Yonne. Par sa longueur de 188 km, le Serein est la 31ème rivière de France. Son cours se situe constamment en Bourgogne-Franche-Comté, et traverse, entre autres, les communes de Précy-sous-Thil, Guillon, L'Isle-sur-Serein, Chablis, Pontigny et bien sûr le village Noyers bâti dans la protection
🔰d'un méandre très resseré de cette rivière . Nous traversons le cours d'eau. Devant nous se dresse la Porte fortifiée d'Avallon mais n'entrons pas
🔰immédiatement dans la cité médiévale et préférons suivre la Promenade du Prè de l'Échelle bordée d'un long mur de pierres sèches agrémenté de buissons de rosiers en fleurs. Si le village promet une plongée dans le passé, il est aussi formidablement conforme au goût du jour et propose un fleurissement d'une variété remarquable. La Rue du Jeu de Paume nous conduit au centre du village. 


🔰Nous marquons une pause devant l'église Notre Dame de l'Assomption . Ce lourd bâtiment fut construit en seulement 25 ans entre 1491 et 1515, ce qui explique sa belle unité dans un style gothique très pur. Les sculptures du parvis furent détruites par les huguenots. Une bonne partie des vitraux a été remplacée au XIX e siècle. Nous poursuivons vers le nord pour atteindre l’esplanade du Saut Parabin qui nous offre un point de vue panoramique sur la campagne bourguignonne. Nous allons désormais suivre le cours du Serein qui décrit un large méandre contournant une plaine agricole où se succèdent champs d'orge déjà d'une belle blondeur dorée et champs de froment encore verts à cette saison. Les coquelicots ont envahi les cultures. La rive extérieure du méandre est surplombée par un coteau très raide envahi par une abondante végétation d'où émergent de gigantesques feuillus. Nous allons ainsi rejoindre la route de Censy qui va nous conduire vers notre car que nous n'allons pas immédiatement atteindre, Didier nous proposant de bifurquer sur notre droite pour nous engager sur un chemin qui contourne un large espace céréalier. C'est l'occasion de faire une petite révision de notre vocabulaire agricole.

Céréales.

Le mot blé désigne toute plante de la famille des graminacées dont la graine sert à l'alimentation.
Le blé est donc un terme générique désignant plusieurs espèces de céréales à épi et à paille :

Le froment (blé tendre)



Le froment (que nous appelons généralement blé) est un blé tendre. Son grain permet d'obtenir une farine panifiable de grande qualité. 




Le blé tendre est, de très loin, la céréale la plus cultivée en France, particulièrement en Brie et en Beauce.
Le 🔰blé barbu de Lacaune est un blé tendre d’hiver. Ce blé est semé à l’automne et doit subir une période de froid pour enclencher la floraison au printemps.






L'orge commune : aussi appelée "herbe à chat"
Orge est un nom féminin, sauf dans les expressions "orge émondé" et "orge perlé". Ses épis à longues barbes sont aisément identifiables. Il en existe cependant de très nombreuses espèces (orge d'hiver, orge de printemps, orge brassicole...)
🔰L'escourgeon est une orge d'hiver à 6 rangs de grains.                                                         
              




L'orge est une excellente fourragère. Pour l'alimentation humaine, les grains doivent être abrasés (orge perlé) ou débarrassés de leur glume (orge émondé). L'orge est également utilisée en malterie dans la production de bière (orge brassicole).






L'épeautre. (aussi appelée "blé des gaulois") Panifiable, elle a d'excellentes qualités alimentaires et est considérée comme plus intéressante pour la santé que le froment.. Elle est cependant encore peu cultivée car son rendement est moins élevé. La glume qui adhère à son grain est particulièrement coriace, ce qui rend les opérations de décorticage assez complexes, d'où son prix élevé.






Le blé dur : Il en existe plus de 150 espèces cultivées qui sont toutes des blés barbus à grains allongés. On le cultive surtout dans le sud du pays. C'est un blé non panifiable du fait de la dureté de son grain. On en tire une excellente semoule riche en protéine pour la production de pâtes alimentaires, de couscous, de boulghour.







Le seigle. Sa culture est de nos jours marginale. Sa farine est recherchée pour son intérêt diététique, mais sa consistance molle la rend difficile à manipuler en boulangerie.





L'avoine fait aussi partie des céréales à paille. On la cultive essentiellement pour son grand intérêt fourrager. Mais depuis quelques années son utilisation dans l'alimentation humaine se développe du fait de ses qualités démontrées pour la santé.



La visite guidée.

Nous rejoignons Sarah et son car. Il est temps d'aller nous restaurer. Notre auberge se trouve à 9km de Noyers, à Nitry. L'Auberge de la Beursaudière est un ancien corps de ferme, qui a su garder son cachet unique, typiquement bourguignon. Nous sommes accueillis dans la grande salle de l'étage sous une belle charpente. Au menu, salade de foies de volaille, pavé de brochet et riz nappé d'une délicieuse sauce crémeuse, dessert maison. Tout cela passe formidablement bien. 
🔰Nous engloutissons nos cafés et nous voilà repartis à Noyers où nous attend notre guide devant la Porte d'Avallon , au sud de la cité médiévale.
🔰 Notre guide commence par préciser le contexte historique où nous allons évoluer : Noyers était au Moyen-Âge, une cité prospère idéalement placée sur la route qui reliait la Route Royale, Dijon au sud avec les routes de Champagne au Nord. Le méandre du Serein encerclait la cité offrant une protection naturelle contre toute tentative d'agression. Cette place de commerce, à partir du XIIème siècle, devient le siège de la puissante famille des Miles. A la fin du XIIème siècle, Hugues de Noyers, Évêque d’Auxerre, fit construire "un des plus fier castel de France". En 1419, après l’extinction de la dynastie des Miles, la seigneurie de Noyers passe aux mains des Ducs de Bourgogne. Le Prince de Condé, devenu comte de Noyers, fait de son fief un pôle de résistance huguenot. À l'issue des terribles guerres de religion et de leur cortège innombrable de victimes, le château fut finalement démantelé par Henri IV en 1599.
La croissance de la ville s’arrêta soudainement quand Louis XVI décida de déplacer la route nationale. C’est, peut-être,  ce qui permit à la ville de conserver de nombreux bâtiments médiévaux. A distance des voies de communication, la ville a ainsi échappé aux destructions, à l’industrialisation et aux guerres. Ainsi, il reste aujourd'hui les remparts avec 19 des 23 tours remarquablement conservées ainsi que les deux portes de la cité, la Porte d'Avallon au sud et la Porte de Tonnerre au nord. Nous apprenons que les habitants de Noyers (prononcer Noyères)sont les Nucériens, qu'ils sont très fiers de leur patrimoine et qu'ils se sont organisés en associations dynamiques pour le conserver.

Au total, la cité médiévale compte 78 bâtiments classés ou inscrits aux Monuments historiques. Nous sommes sur la Place de l'Hôtel de Ville et admirons la "Maison Jaune" (ou Maison du Schématisme).. Ce bâtiment présente un double encorbellement avec sablières moulurées. Au rez-de-chaussée,
🔰un corbeau présente un joli bas-relief  : une chasse au cerf et une vigne avec une grive picorant des grains de raisin et une salamandre.
🔰Dans la Grande Vadrouille, film de Gérard Oury, tourné en 1966, Bourvil et Louis de Funès , en cavale, se glissent dans cette maison et se retrouvent dans un banquet Waffen-SS.
🔰L'Hôtel de Ville , lui, a été reconstruit au xve siècle dans un style plus Renaissance. Sur sa façade, une niche vide abritait une statue de Louis XIV. Sur la façade sont gravés dans la pierre les niveaux d'eau lors des crues mémorables du Serein.
🔰Un peu plus loin, le potier s'est installé dans la Maison des Sangliers , une belle maison à colombages du XVe siècle qui tient son nom des têtes d'animaux qui ornent les poutres de chaque côté de la façade.
Nous poursuivons vers la Place de la Petite-Étape-aux-Vins qui présente des maisons des 15e, 16e et 17e siècles dans l’ordre chronologique et dans le sens des aiguilles d’une montre. Nous passons un porche pour admirer la Maison du Compagnonnage ou des Corporations.
🔰Les sculptures , taillées dans la masse des poteaux de chêne sont remarquables et représentent les emblèmes des métiers et leurs saints patrons. On peut voir sur un poteau cornier en chêne supportant la maison, la double représentation de Saint Crépin, patron des cordonniers, tranchant le cuir sur son établi, et de Saint Crépinien, patron des savetiers, creusant une savate sur son genou. Ces figures étaient peintes mais les dernières traces de polychromie ont disparu. 

🔰Un habitant , propriétaire d'une ancienne maison voisine de la Maison du Compagnonnage, nous explique que pour la peinture des huisseries de ses fenêtres, il a choisi un bleu obtenu à partir de lapis-lazuli broyé ; il a obtenu l'agrément des autorités pour ce très beau bleu profond parfaitement adapté au style environnant.
🔰Nous passons à présent sur laPlace du grenier à Sel . Notre guide indique la maison du receveur percepteur de la gabelle. Les habitants achetaient ici le sel lourdement taxé mais indispensable pour la conservation des aliments.
🔰Puis nous marquons un court arrêt devant la Maison du Kamato . De style Renaissance, cette maison a été construite à la fin du 15e siècle. La devise grecque "Kamato", placée au dessus de la poret signifie "pour la peine" ou "par l’effort", "par le travail". Cette demeure fut également la Maison de Justice du bailliage des seigneurs de Noyers.
🔰Un peu plus loin, notre guide attire notre attention sur la Maison de la Toison d'Or . Entre les fenêtres du 1er étage est sculpté un décor en forme de croix bordée de motifs géométriques et végétaux ; il porte un personnage barbu à mi-corps et une tête d'ovin surmontant une chute de fruits qui évoque Jason et le bélier de la Toison d'Or. Cette maison a a appartenu à Régnier Pot, chevalier de l'Ordre de la Toison d'or puis à son petit fils, Philippe Pot, filleul du duc Philippe le Bon, lui-même chevalier de la Toison d’Or.
🔰Nous voilà arrivés devant la porte nord de la cité, la Porte de Tonnerre . Elle avait, probablement, autrefois, un étage supplémentaire.
🔰Elle est actuellement couverte d'un toit de lave. Elle est ornée d’une statue de pierre polychrome du 16e siècle, dite Sainte Vérote . L’enfant Jésus et sa mère tiennent à la main une grappe de raisin symbolisant le sang du Christ. Les vignerons du village, déposaient en offrande, le 15 août, des raisins encore verts, les "vérots", au pied de la statue. Les filles venaient, ici, faire des prières pour trouver un mari. En 1653, les huguenots jetèrent Sainte Vérote dans un puits. Dès que ce fut possible, les habitants la remirent en place.
Un étroit chemin, tout en escalier aux marches relativement régulières, nous permet de rejoindre l’esplanade du saut Parabin. À cet endroit, les condamnés à mort, après avoir été bastonnés, étaient jetés dans le Serein qui coulait au pied des remparts. Nombre de protestants furent ainsi exécutés et l'horreur nous paraît, aujourd'hui,  d'autant plus déconcertante qu'elle eut lieu, ici, dans ce paysage si paisible qui inspire l'harmonie. Une croix latine, érigée en 1775, s'élève ici. Elle porte un pélican mystique qui se perce le côté pour nourrir sa progéniture de ses entrailles.

Nous dépassons la Venoise, tour de garde sur l'accès nord-est de Noyers. On l'appelait Tour de la Cave au Loup. Elle doit son nom à une légende selon laquelle y hurlait un loup égaré tombé dans la cave de cette tour. (Ou bien ! cette dénomination viendrait peut être des hurlements des prisonniers qui y étaient enfermés et torturés).
Nous empruntons maintenant la Promenade Charles Louis Pothier qui se coule entre les Remparts et le Serein. (Charles Louis Pothier a vécu à Noyers. Il est l'auteur de la célébrissime chanson "les roses blanches pour ma jolie maman"). Ce chemin n'existait pas autrefois, les remparts plongeant directement dans le cours de la rivière. Nous rejoignons ainsi la Porte d'Avallon où nous prenons congé de notre guide en la remerciant vivement pour la qualité de sa prestation.
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Le Domaine Bardet & Fils
"Place du marché au blé", "Place et rue de la petite étape aux vins" sont des noms qui témoignent de la très ancienne vocation agricole de la cité. Le commerce du vin et du grain était florissant, de nombreux documents attestent de l’importance des vignes, des noyers, des cerisiers sur les collines environnantes. D'ailleurs, jusqu’à l’aube du XXème siècle, cercliers, charrons, bourreliers, tonneliers, maréchaux-ferrants, cordonniers ont représenté une bonne partie de l’artisanat local. On comptait, au recensement de 1861, 128 vignerons et 25 laboureurs.
La mouche américaine, le phylloxéra, a profondément modifié le paysage agricole. Il n'y a plus aucune vigne dans ce petit coin de Bourgogne. Il y a cependant encore quelques vignerons et c'est devant les caves de l'un deux que Sarah a garé son car pour nous permettre une petite visite. 

"Nos vignes," nous annonce le propriètaire "se trouvent à une vingtaine de kilomètres au nord sur le territoire de Chablis". Une carte du Chablisien nous est présentée où on peut situer les vignobles de notre hôte. Un cépage unique caractérise les vins de Chablis, le chardonnay. Adapté à la froideur du terroir et à l’argile calcaire, il produit des arômes très différents de ceux que l’on retrouve dans le reste de la Bourgogne, plus au sud. Le chablis conserve cependant son appellation "Bourgogne" à la grande satisfaction des vignerons qui ont été quelques centaines à manifester, en 2020, devant le siège de l'Institut national des appellations d'origine (INAO) contre un projet insensé d'exclure 64 communes de la célèbre AOC "Bourgogne".
l'INAO a heureusement retiré son projet polémique et c'est bien un vin de Bourgogne que nous avons le plaisir de déguster. Devenu une AOC en 1938, le chablis a désormais ses "grands crus" et ses "premiers crus", son "chablis" générique (celui qu’on boit tout le temps) et son "petit chablis", servi aux tables des cafés avec les huîtres.
🔰Nous dégustons un "petit chablis" avant d'apprécier un chablis générique encore jeune. La dégustation s'achève par un Irancy, un vin rouge de Bourgogne issu du Pinot Noir souvent accompagné dans une faible proportion par un cépage local, le César.
Ici, sont également proposées à la vente des bouteilles d'huile provenant de l’huilerie "La Sereine". C'est un atelier artisanal installé à Annay-sur-Serein qui produit exclusivement de l'huile de colza élaborée par une seule pression à froid afin de conserver à cette huile ses richesses gustatives et ses nombreuses qualités diététiques et nutritionnelles. Nous saluons notre hôte viticulteur car il est temps de grimper dans notre car pour attaquer la route du retour sous la conduite experte de Sarah.
Nous entrons dans l'Île de France sous des trombes d'eau ce dont nous nous félicitons pour deux bonnes raisons. La première est que les sols desséchés de la région ont bien besoin de cette pluie revitalisante. La seconde est que cette pluie bienvenue a eu la délicatesse infinie de s'abstenir d'intervenir pendant toute la durée de notre périple que nous avons vécu sous un ciel clément par une agréable température. Un grand merci donc aux dieux de la météo et à Didier pour la parfaite organisation de cette journée de rando.


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