mardi 26 novembre 2024

Yerres, le Mont Griffon (Pilou le 26/11/2024)

Photos du jour.

Photo J.Fillis
Il a beaucoup plu et même neigé ces temps derniers...
À tel point qu'il a fallu annuler la rando programmée mardi dernier. 
Heureusement, nous avons, aujourd'hui, la chance de randonner sous un ciel clément et de nous réjouir des quelques timides rayons de soleil venus accompagner ce petit périple de 8,5 km à la frontière de l'Essonne et du Val de Marne dans les Bois de La Grange.

Nous attaquons cette boucle essentiellement forestière au niveau du restaurant la Biche aux Bois à Yerres. Nous nous proposons de rejoindre les hauteurs du Mont Griffon avant de redescendre vers les abords du parc du Château de La Grange et les chemins de la "Végétale".

La forêt s'est parée de ses plus belles couleurs automnales et l'épais tapis de feuilles mortes qui couvre les sentiers va nous garantir contre la boue et les glissades que nous pouvions légitimement craindre après les pluies abondantes de la veille.


La Forêt de La Grange.
Photo Didier Armanini (2019)
Nous entrons dans le bois et arpentons le "Chemin de Boissy St Léger à Yerres". Nous rejoignons ainsi le petit lotissement près du stade Léo Lagrange. Un étroit sentier se faufile entre les jardins pour rejoindre le couvert forestier et l'Allée Royale. C’est la déclaration d’Utilité Publique du 16 janvier 1974 qui a permis de protéger le Bois de La Grange, partie ouest de l’Arc Boisé déjà morcelée, à l'époque, par les infrastructures routières et ferroviaires. La petite forêt domaniale des Camaldules de 1966 s’agrandit alors d’espaces forestiers situés sur les communes de Limeil-Brévannes, Villecresnes et Yerres.
Vingt ans après, en 1994, la forêt communale d’Yerres devient propriété de l’Etat ce qui porte la surface domaniale à plus de 350 hectares. Surface encore augmentée, aujourd'hui, par des acquisitions plus récentes, comme celle du Petit Wirtemberg après l’élargissement de la RN 19, du Bois Cerdon et du Bois de Granville, puis les propriétés de la Belle Etoile et du Sémaphore, et enfin les Friches de Boissy.
La forêt domaniale de la Grange possède un intérêt paysager qui justifie une politique de protection active : La priorité est accordée à l'accueil du public avec l'entretien des sentiers et des équipements, et la sécurisation des sites d'accueil (élagage ou abattage d'arbres jugés dangereux). Sans oublier des mesures paysagères comme la réhabilitation des alignements d'arbres le long des allées et la préservation des arbres remarquables. Les travaux sylvicoles concernent essentiellement la reconstitution des trouées provoquées par la tempête de 1999. Leur régénération naturelle est l'occasion de rajeunir la forêt. Les forestiers l'accompagnent de quelques plantations complémentaires pour favoriser la diversité des essences.
Nous nous engageons dans la pente d'un étroit sentier sableux tout en virages courts et relevés. On imagine que les amateurs de VTT peuvent s'y donner à cœur joie. La grimpette permet de rejoindre le site géodésique du Mont Griffon.



Méridiens et méridiennes.
Le site géodésique du Mont Griffon se caractérise par la présence d'un monolithe et d'un haut pylône en béton. Cette borne géodésique en calcaire est gravée "Méridienne de France 1883 - 84". Elle se situe à la cote 117 mètres dans le secteur du Mont-Griffon. Il s'agit d'une borne, qui fut utilisée comme repère géodésique en 1883/1884 dans le cadre des mesures liées à la "Nouvelle triangulation de la France". La "NTF" s'appuyait sur plusieurs centaines de points géodésiques et poursuivait l'objectif d'affiner la réalisation d'une cartographie nationale. 
Le mot "méridienne" définit la chaîne de triangulation orientée suivant un axe dont on peut par cette méthode calculer le longueur avec une précision de l'ordre du centimètre.  Aujourd'hui, la NTF a laissé place au RGF93 (réseau géodésique français de 1993).
Un siècle plus tôt, sous les ordres de Condorcet, deux ingénieurs, Delambre et Méchain, ont entrepris la tâche pharaonique d'utiliser cette méthode de triangulation depuis Dunkerque jusqu'à Barcelone pour mesurer le plus précisément possible le Méridien terrestre. Cette mesure  était indispensable à la définition d'une unité de mesure que la Révolution voulait universelle : le "mètre" soit la dix millionième partie du quart du Méridien terrestre. Quoi de plus universel et de plus commun à toute l'humanité que la terre elle-même ! 

De ce travail de titan, vont être déduites les unités de base du système métrique, le mètre (longueur), le mètre carré (aire), le litre (volume d'un décimètre cube), le kilogramme (masse d'un litre d'eau pure) et tous leurs multiples et sous multiples (milli, centi, déci, déca, hecto, kilo).
Les travaux de Delambre et Méchain ont bénéficié des travaux théoriques de Adrien-Marie Legendre sur la "trigonométrie sphéroïdique". Leur ingénierie s'est largement inspirée des expériences concrètes que les Cassini avaient rapportées de leur immense tâche de triangulation de tout le territoire afin de réaliser la carte de 1744, la première carte de France.
J'ai consacré un article sur la 'Carte des Cassini' dans la rubrique du Blog "On en parle"(Cliquez ici)"
Claudine
attire notre attention sur le livre remarquable de Denis Guedj "La Méridienne" qui décrit la très aventureuse traversée du territoire de ces deux savants, véritable traversée de l’Histoire commencée aux funérailles de la monarchie et qui s’achève à l’aube de l’Empire.
J'ai consacré un article sur cette fabuleuse histoire dans la rubrique du Blog "On en parle" (Cliquez ici)".

De retour sur l'Allée Royale, nous apercevons les marches qui vont nous permettre d'accéder au point culminant de notre circuit, le Mont Griffon.  
Il culmine à 117 mètres d’altitude au cœur du massif forestier de la Grange. Il domine la ville de Yerres et la vallée de la rivière du même nom, l'Yerres. Il protège la ville des vents du nord. Il est caractérisé par sa couche géologique de même nature que la forêt de Fontainebleau, comportant du sable très fin et du grès.
Nous quittons la plateforme du Mont Griffon et son intéressant point de vue sur la vallée en descendant les marches d'un second  escalier plus à l'ouest.

Nous prenons le chemin en pente légère qui rejoint l'Allée du Grand Ha Ha que nous suivons vers l'est. Nous abordons le long mur de pierre qui clôture l'immense parc du Château de La Grange. On l'appelle aussi  "Château du Maréchal de Saxe".


Photo J.Fillis



Messieurs les Anglais...
Maurice de Saxe, fin stratège, vainqueur du siège de Tournai, de la bataille de Fontenoy, de la bataille de Rocourt est nommé maréchal général des camps et armées par le roi Louis XV. C'est alors la plus haute distinction militaire qui avait été confiée seulement à Turenne et à Villars avant lui. Outre ce titre, Louis XV lui offre le château de Chambord et une forte indemnité qui lui permet d’acquérir en 1748 le château de La Grange, pour avoir un pied-à-terre plus proche de Paris. C'est au cours de la Bataille de Fontenoy qu'un de ses capitaines aurait prononcé le fameux « Messieurs les Anglais, tirez les premiers. » (C'est du moins ce que rapporte Voltaire dans son livre, le "Précis du siècle de Louis XV"). Cette réplique, plus tactique qu’il n’y paraît, est  l’expression d’un impératif militaire : quand une armée a tiré, le temps qu’elle recharge ses armes, l’ennemi peut attaquer avec profit. Loin d'être une guerre en dentelle où on échange des politesses, la bataille de Fontenoy fut, en réalité, un véritable carnage laissant 15 mille morts sur le champ de bataille, non loin de la frontière française sur le territoire de ce qui était alors nommé "Pays Bas Autrichiens" et qui correspond à l'actuelle Belgique.

Les Anglo-Hollandais furent écrasés. Mais à quel prix ? Plus de 7000 soldats français ont été tués.
Louis XV déclara le soir de la bataille : « Voyez tout le sang que coûte un triomphe. Le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes. La vraie gloire est de l’épargner. ».
Diderot dans l'Encyclopédie note : « Jamais les triomphes les plus éclatants ne peuvent dédommager une nation de la perte d’une multitude de ses membres que la guerre sacrifie ».



De la Tégéval à la Végétale.


Nous découvrons un panneau annonçant notre entrée sur la "Végétale" que nous allons suivre jusqu'à la voie du TGV.

La voie verte 'la Tégéval' a récemment changé de nom pour devenir 'la Végétale', son anagramme. Ce changement de nom vise à affirmer plus explicitement l’engagement de la Région, du Département et des 🔰huit villesCréteil, Valenton, LimeilBrévannes, Villecresnes, Yerres, Marolles-en-Brie, Mandres-les-Roses et Santeny. traversées, pour l’environnement et la biodiversité. Ce nouveau nom cherche à évoquer des infrastructures d’un nouveau genre, au service des mobilités douces et de l’environnement. À l'origine, dans les années 90, le projet est né d’une compensation de la ligne à grande vitesse de TGV, d’où le nom 'Tégéval'. Ce projet  a permis, au fil des ans, de garder des espaces ouverts dans des territoires gagnés par l’urbanisation. La Végétale est aussi un projet de renaturation fort qui permet à la biodiversité de reprendre ses droits et de se développer pour le plus grand plaisir de ceux qui l'arpentent. François nous avait récemment conduit, entre Mandres et Servon, sur la partie la plus récente de ce projet d'envergure qui sera entièrement finalisé en 2028 et proposera un cheminement piétonnier de 20 kilomètres entre le Lac de Créteil et Servon prolongé par les 17 kilomètres du Chemin des Roses qui parcourt le plateau de la Brie. Au niveau du Mont Ézard à Villecresnes une bifurcation permettra de rejoindre Santeny. À Villecresnes, la Végétale croise également un parcours le long du Réveillon qui s'offre au randonneur pour rejoindre les bords de l'Yerres à Brunoy.

La Végétale c'est 15  ans de travaux réalisés et à réaliser (de 2013 à 2028).
Le Budget global des travaux d'aménagement de la Végétale hors foncier :  60 millions €
dont, Région Île-de-France : 60% ;  Département du Val-de-Marne : 40%
Les coûts de gestion sont pris en charge par le Département du Val-de-Marne (espaces verts) et les communes (propreté)

Nous longeons la ligne du TGV sur un étroit sentier et parvenons à la passerelle piétonnière qui permet de franchir les voies ferrées.  Nous nous arrêtons un instant sur la passerelle pour observer le passage du chemin de fer en tunnel à l'entrée de Villecresnes. La technique de la "tranchée couverte" a été préférée, ici, à celle du "tunnelier" pour traverser la ville, permettant ainsi aux habitants de jouir d'une large voie verte paysagée sur toute la traversée de la commune. Il ne nous reste plus qu'un petit kilomètre à effectuer pour retrouver nos véhicules sur le grand parking à la hauteur de la Biche aux Bois.




L'Automne inspire les poètes.

Photo J.Fillis
Matin d’Octobre

François Coppée

C’est l’heure exquise et matinale
Que rougit un soleil soudain.
A travers la brume automnale
Tombent les feuilles du jardin.

Leur chute est lente. On peut les suivre
Du regard en reconnaissant
Le chêne à sa feuille de cuivre,
L’érable à sa feuille de sang.

Les dernières, les plus rouillées,
Tombent des branches dépouillées :
Mais ce n’est pas l’hiver encor.

Une blonde lumière arrose
La nature, et, dans l’air tout rose,
On croirait qu’il neige de l’or.






Voici que la saison décline
Victor Hugo

Voici que la saison décline,
L’ombre grandit, l’azur décroît,
Le vent fraîchit sur la colline,
L’oiseau frissonne, l’herbe a froid.

Août contre septembre lutte ;
L’océan n’a plus d’alcyon ;
Chaque jour perd une minute,
Chaque aurore pleure un rayon.

La mouche, comme prise au piège,
Est immobile à mon plafond ;
Et comme un blanc flocon de neige,
Petit à petit, l’été fond.

*alcyon : Oiseau mythique, d'heureux présage en mer.

Photo D.Armanini (2019)




Soupir
Stéphane Mallarmé


Mon âme vers ton front où rêve, ô calme sœur,
Un automne jonché de taches de rousseur,
Et vers le ciel errant de ton œil angélique
Monte, comme dans un jardin mélancolique,
Fidèle, un blanc jet d’eau soupire vers l’Azur !
Vers l’Azur attendri d’Octobre pâle et pur
Qui mire aux grands bassins sa langueur infinie
Et laisse, sur l’eau morte où la fauve agonie
Des feuilles erre au vent et creuse un froid sillon,
Se traîner le soleil jaune d’un long rayon.


Photo J.Fillis