dimanche 5 mai 2024

L' Abbaye de Royaumont (Aimé le 05/05/2024)

Photos du jour.
Une petite bruine dominicale, peu encourageante, attriste le petit matin sur le parking du Gymnase où le chauffeur d'un grand car de la compagnie Touatti nous accueille jovialement pour embarquer direction Asnières-sur-Oise. Les prévisions optimistes de la météo locale vont fort heureusement s'avérer exactes et les parapluies vont très vite se refermer alors que nous randonnerons sur les chemins de la Forêt de Coye à partir de l'Abbaye de Royaumont. C'est à Aimé que nous devons l'excellente organisation de cette journée dont le programme conséquent invite à une petite randonnée matinale de 5 km dans le secteur de Baillon suivie, au retour à Royaumont, d'un réjouissant déjeuner dans un décor médiéval préludant à une visite complète de cette prestigieuse Abbaye Royale sous la conduite d'une guide expérimentée.

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Balade matinale dans le Bois Bonnet.

🔰Le car nous a déposés tout près des grilles de l'abbaye. Nous enfilons nos chaussures de rando, dégustons un petit financier cuisiné et généreusement offert par Thérèse, et partons sous la conduite d'Aimé pour une courte rando sur les sentiers du Bois Bonnet. C'est un petit bois qui s'étend à l'ouest du vaste domaine de la Forêt de Coye qui elle-même s'étend au sud de l'immense massif de la Forêt de Chantilly. Nous sommes, ici, à la limite occidentale du Parc Régional de l'Oise. Nous longeons un petit ru "la Nouvelle Thève" et ne tardons pas à rejoindre sa confluence avec la petite rivière "l'Ysieux" que nous traversons sur un petit pont. Nous verrons plus tard que tout ce réseau hydrographique revêt une importance considérable dans l'histoire de Royaumont. Nous suivons maintenant un large chemin forestier et marquons un arrêt au carrefour en étoile où se dresse le Poteau de la Balivière.
On trouve, sur la base de ce poteau un petit QRCode que je m'empresse de flasher et me voilà dirigé sur le site de "l'Association pour la sauvegarde des Poteaux des Trois Forêts de Chantilly, Ermenonville et Halatte". J'apprends ainsi que ce poteau situé au croisement des routes de 'Royaumont', de celle de 'la Cave' et de celle du 'Layon Le Normand' porte le nom de l’abbé Henri-Eléonor Le Cornu de Balivière religieux de l’abbaye de Royaumont qui autorisa le Prince de Condé, en mai 1784, à ouvrir plusieurs routes dans les bois de l’Abbaye pour les commodités de la chasse à courre. Ainsi on peut se promener en forêt et en découvrir, directement sur place, la documentation historique grâce à cette technologie NTIC dont beaucoup s'émerveillent alors que d'autres, nombreux également, s'en inquiètent.

Un peu plus loin, un autre poteau , la poteau de la Croix Bleue présente son petit QR-code. On découvre que ce poteau directionnel fut érigé à la place d'une ancienne croix. Nous quittons la grande allée forestière pour emprunter un chemin plus étroit bien ensablé. Des traces de sabots ferrés confirment que la Forêt de Chantilly, au delà d'être un lieu de promenade, est une terre d'entraînement pour les chevaux et de tourisme équestre.

Nous entrons maintenant dans le charmant petit hameau de Baillon. Nous dépassons la place triangulaire qui offre une jolie perspective 🔰sur l'église, la Chapelle Notre-Dame de Baillon. Une passerelle agréablement fleurie permet de franchir le cours de l'Ysieux. En amont, s'étend l'immense parc privé du Château de Baillon. Ce château a appartenu à Louis Bonaparte et à son épouse d’Hortense de Beauharnais (Roi et Reine de Hollande). Il est aujourd'hui propriété du souverain de l’émirat d’Abu Dhabi.  Nous dépassons le Lavoir sur l'Ysieux et poursuivons vers le Marais du Lys. Ces marais, autrefois exploités pour l'extraction de la tourbe, furent à partir de 1951 indignement reconvertis en lieu de décharge. Ce n'est qu'en 1993 que, conscient de la richesse naturelle du site, le département ferma la décharge et entreprit la restauration du marais. Nous longeons la limite sud de la zone marécageuse sur l'Allée de la Reine Hortense 🔰Hortense de Beauharnais avait l'habitude de se promener depuis son château de Baillon jusqu'à l'Abbaye de Royaumont où elle aimait se rendre. Hortense de Beauharnais, reine de Hollande, est la fille de Joséphine de Beauharnais, belle-fille de Napoléon Ier et mère de Napoléon III. Nous nous mettons donc dans les pas de la Reine et parvenons ainsi à Royaumont devant 🔰l'entrée grillagée de l'Abbaye.

L'Abbaye de Royaumont.
Aimé distribue à chacun le plan de visite de l'Abbaye. La balade matinale nous a  donné soif, et nous nous dirigeons rapidement vers la terrasse du bar installé dans le beau bâtiment dit des "latrines" au sud-est du domaine. Nous apprécions 🔰les breuvages proposés même si on a bien conscience qu'ils ne faisaient évidemment pas partie de l'ordinaire ascétique des moines qui séjournaient en ces lieux. Un couple d'oies bernaches encadre précautionneusement une portée de 🔰minuscules oisons s'ébattant dans le canal longeant notre terrasse. Il est grand temps de rejoindre le "passage parloir" qui ouvre sur les cuisines et la "Table de Royaumont". Des tables sont dressées ici dans une grande salle dominée par des voutes gothiques ; une immense cheminée enchante le fond de cette salle médiévale. Nous apprécions les mets qui nous y sont servis et goûtons les vins proposés par le chef.
 Après le café, nous rejoignons 🔰notre guide dans les jardins. Son exposé commence par la référence à la naissance de l'Abbaye. C'est le jeune Louis IX, roi à neuf ans, très pieux, qui, dès l'âge de 15 ans, décida, avec sa mère Blanche de Castille, la construction de Royaumont.

Les travaux démarrent en 1228 sur ces terrains très favorables, bénéficiant d'une parfaite hydrologie condition indispensable à la vie en totale autarcie qu'impose la règle monacale. Saint Louis (Louis IX) fit venir des religieux de l'ordre de Citeaux qui suivaient la très austère Règle de Saint-Benoît. Le roi lui-même visitait les travaux, se plaisait à y prêter main forte. Plus tard, il se retira souvent à Royaumont, partageant la vie des religieux et parfois leur apportant de ses propres mains, les mets au réfectoire.
Le plan général du monastère est conforme a celui de toutes les abbayes cisterciennes où la disposition régulière des bâtiments est imposée par l'observance de Citeaux. Cependant, en tant qu'Abbaye Royale, elle se distingue par un certain luxe architectural assez éloigné de la rigueur cistercienne. Notre guide nous propose de rejoindre le bâtiment des latrines.
On peut y observer une galerie 🔰surplombant le petit canal d'eaux vives qui traverse le domaine. Une suite de trente-et-un arcs en plein cintre dominent la galerie. Soixante sièges, organisés en 30 paires de sièges disposés dos à dos, étaient à la disposition des moines pour y faire leurs besoins. Ainsi, le canal recevant les excréments qui tombaient depuis les voutes servait d'égout et permettait l'évacuation de toutes les eaux usées vers l'aval.
Nous passons devant l'imposant bâtiment du dortoir des moines. Notre guide indique que l'actuelle structure à quatre niveaux, ne correspond pas à la configuration d'origine qui ne comptait que deux étages. Toutes les baies sont neuves et l'ensemble a été si souvent retouché qu'il est impossible de se rendre compte de son état ancien. Nous arrivons dans l'espace de ce qui fut l'église de Royaumont.
En 1792,  l'abbaye est vendue au marquis de Travanet qui fait détruire l’église abbatiale et transforme les bâtiments conventuels en filature de coton. Une trentaine de machines est importé d’Angleterre. On utilisa 300 bœufs pour faire s'effondrer la structure. Seule subsiste la tourelle d'escalier : son armature en fer l'aurait préservée. Les pierres ont servi pour construire les ateliers et les maisonnettes des ouvriers de la filature.
L’usine fut ensuite reprise par les frères van der Mersch qui l’exploitèrent de 1815 à 1860. L'immense église, qui mesurait 105 métres de longueur, 40 mètres de hauteur, comprenait une nef, un transept, et un chœur arrondi, avec sept chapelles rayonnantes en saillie.
Elle n‘avait rien de la rigueur et de la lourdeur des églises cisterciennes bourguignonnes. L‘influence du style gothique élégant de la région parisienne était trop considérable pour ne pas triompher complétement. Saint Louis avait fait de Royaumont une sorte de caveau de famille, en y faisant inhumer ceux de ses enfants et de ses frères qu’il avait eu la tristesse de voir s’éteindre autour de lui.

Dès juillet 1791, les restes des princes et princesses furent emportés à Saint-Denis. Les monuments qui les recouvraient, démolis avec précaution, furent également transportés par fragments à Saint-Denis où on peut désormais trouver la 🔰plaque commémorative indiquant "Ici reposent les cendres et ossements de Philippe, dit Dagobert, frère de Saint-Louis ; Louis, fils ainé de Saint-Louis, mort en 1260 ; Jean, troisième fils de Saint-Louis, mort en 1248 ; Blanche, fille ainée de Saint-Louis, morte en 1243 ; Louis et Philippe, fils de Pierre, comte d’Alençon, cinquième fils de Saint-Louis ; Ote, fils de Philippe d’Artois, mort en 1291, transférés de l'abbaye de Royaumont en cette église de Saint-Denis, le premier août 1791".


Nous passons dans le cloître, admirons l'impeccable agencement de son jardin à la française. Au moyen-âge, il était planté de simples (herbes médicinales). En son centre, le puissant jet d'eau du bassin se déclenche une fois par heure. Notre guide indique que la 🔰belle galerie où nous circulons, détruite par Travanet qui y installa ses machines, fut entièrement restaurée, dès 1869, par les religieuses de la Sainte Famille de Bordeaux. Ce sont elles qui ajouteront aussi les deux étages au bâtiment conventuel pour le transformer en un pensionnat de jeunes filles.
Une petite visite s'impose dans la 🔰petite sacristie qui s'ouvre sur le cloître. Une exposition y est installée. Notre guide nous invite à rejoindre la Bibliothèque Henry et Isabel Goüin. Installée à l’emplacement de l’ancienne salle du chapitre, la bibliothèque générale de Royaumont n’a plus rien de commun avec la bibliothèque médiévale rassemblée par les moines. Riche d’environ 23 000 volumes, c’est un ensemble varié et éclectique, résultat du mélange de plusieurs collections privées auxquelles sont venues s’ajouter les acquisitions liées aux diverses activités de la Fondation.

Avec le rachat, en 1948, d’une partie de la bibliothèque de Paul Desjardins, la bibliothèque s'est enrichie de ce qui en constitue le fonds le plus précieux et le plus émouvant.
On y remarque également un grand piano à queue et deux clavecins témoins de la passion pour la musique qu'éprouvaient Henry Goüin et son épouse Isabel Lang. C'est Jules Gouïn, grand industriel et président de la Société de construction des Batignolles, grand-père de Henry, qui fit l'acquisition des lieux dès 1905. Henry et Isabel organise des concerts pendant les étés 1936 et 1937, grâce au concours de François Lang, frère d'Isabel et pianiste de renom. Le 15 mai 1938, le "Foyer de Royaumont, lieu de travail et de repos pour artistes et intellectuels" est inauguré. Les chambres sont louées à des prix modiques, et les pensionnaires en manque de moyens peuvent bénéficier de bourses.

Durant les années 1950 et 1960, l'ancienne abbaye devient un lieu de rencontre des milieux intellectuels et artistiques à l'échelle internationale, avec de nombreux séminaires, colloques et conférences. En 1964, Henry et Isabel Goüin créent la "Fondation Royaumont (Goüin-Lang) pour le progrès des Sciences de l'Homme" et lui transfèrent, en donation, la propriété de l'abbaye. C'est la première fondation privée voyant le jour en France.
Nous poursuivons par la visite des réfectoires. Celui des moines convers puis celui, beaucoup plus vaste et plus luxueux, des moines de chœur. Notre guide explique que les moines de chœur, affectés aux tâches spirituelles, étaient issus de l'aristocratie. Une donation des familles accompagnait leur recrutement. Cette manne abondait l'économie des lieux. Les moines convers, eux, étaient issus de la paysannerie. Ils étaient chargés principalement des travaux agricoles et manuels, et des affaires séculières du monastère. Leur statut ne leur permettait pas d'accéder aux ordres ou au sacerdoce. L’ancien réfectoire des convers est une salle de six travées voûtées d’ogives, et l’une des plus spacieuses de l’abbaye. La Fondation a souhaité réhabiliter entièrement cet espace en 2014 pour un usage événementiel (concerts, réceptions…).

L'autre réfectoire , celui des moines de chœur est de toute évidence la plus belle salle de Royaumont. Conçue pour le repas des cisterciens, elle bénéficie d’une acoustique exceptionnelle.
Les religieux se nourrissaient en silence tandis qu’un texte sacré leur était lu depuis 🔰la chaire.

Un grand chantier de restauration achevé en 2002 a donné un nouvel éclat à cette salle, avec notamment la pose de près de 10 000 🔰carreaux à motifs et 30 000 carreaux unis, fabriqués selon des techniques médiévales.

Le grand 🔰orgue Cavaillé-Coll installé en 1936 rappelle que, depuis près d’un siècle, cette salle doit sa notoriété notamment aux concerts qu’elle accueille.

Notre guide attire notre attention sur le 🔰Tombeau d'Henri de Lorraine-Harcourt, mort en 1666 à Royaumont. Lors de la destruction de l'église, ce tombeau , originellement installé dans une des chapelles, fut déplacé dans l'église du village. En 1959, il retrouva place à Royaumont ici dans ce  réfectoire des moines baigné de lumière. C'est ici que notre guide prend congé de notre groupe. Merci, madame, pour la qualité de vos commentaires.

Nous rejoignons le 🔰Jardin des Neuf Carrés, une évocation des jardins de simples du monde médiéval. Les neuf carrés en osier vivant tressé contiennent des plantes qui restent en place de façon naturelle tout au long de leurs cycles. 
Des cardons dans une des cellules potagères.
Le parc est resté tel qu’il apparaissait au 19e siècle et on peut toujours s'y promener à l’ombre des grands marronniers, le long des canaux, sur des allées bien dessinées que nous empruntons pour rejoindre le Jardin-Potager. Conçu en 2013. il s'étend sur 9 000 m². Les légumes poussent ici de manière libre et irrégulière dans des « cellules potagères ». Très expérimental, inspiré de la permaculture, ce système s’appuie sur les capacités de régénération et de réensemencement naturel propre à chaque plante. L’arrosage n’est pratiquement pas nécessaire ; seule l’acclimatation de nouvelles espèces le nécessite.
Au total, le potager accueille 130 variétés de végétaux comestibles et 60 arbres fruitiers (pommiers, poiriers, cerisiers).


Longtemps, les abbayes ont été à la fois conservatoire et champ d’expérience des techniques et des savoirs. La vocation contemporaine de Royaumont ne rompt pas avec cette tradition. Nous sortons des jardins. Au détour d'un bosquet, on découvre une petite grotte qui abrite à la fois une pietà et une surprenante collection d'ampoules électriques usagées. Nous nous attardons au bord du grand bassin circulaire, miroir magnifique où se sublime le reflet de la haute façade du bâtiment des moines.
L'eau est omniprésente à Royaumont. Au Moyen-âge, les moines captèrent une source distante de 3 km pour l’eau potable. Ils canalisèrent aussi, deux rivières (la Thève et l’Ysieux). Dans la première moitié du 20e siècle, des nouveaux canaux furent aménagés pour apporter l’énergie aux machines à tisser et aider au nettoyage des étoffes. Tous ces canaux sont encore visibles aujourd’hui et font un des charmes du site.

 Avant de prendre place dans le car pour la route du retour, il nous faut faire quelques emplettes dans l'inévitable galerie marchande à la porte du site. Outre les abondants petits objets-souvenir, on peut y trouver une riche littérature consacrée à la vie monacale en particulier et au moyen-âge en général. Nous n'oublierons évidemment pas de sortir de l'assoupissement où le bercement monotone du car nous a plongés pour saluer la compétence de notre chauffeur et adresser un grand merci à Thérèse et Aimé pour la parfaite organisation de cette journée si riche en découvertes.

Nota Bene
: Je vous conseille vivement la visite de l'excellent Blog "Coins du Monde" .
On peut y trouver de magnifiques photos sur l'Abbaye de Royaumont  :   Cliquer Ici.

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