mardi 4 février 2025

Évry, Ris-Orangis (Christine le 04/02/2025)

Photos du jour.
Nous n'avons pu profiter du grand soleil promis par la météo ; l'anticyclone a bloqué les brumes au sol et même si le brouillard s'est enfin levé, la grisaille n'aura pas autorisé l'ensoleillement pronostiqué.
Il reste que c'est par un temps assez idéal pour le randonneur, frisquet et plutôt sec, que Christine va nous conduire sur une boucle d'un peu plus de 8 km à travers les quartiers historiques du vieil Évry, le petit Bois du Trousseau à Ris-Orangis et le chemin de halage longeant la Seine.

Nous nous sommes garés sur le parking très fréquenté de la Gare RER d'Évry, Val de Seine qui se situe sur la section sud du RER D qui de Melun permet de rejoindre Paris via Corbeil-Essonnes. Le passage en gare sous les voies nous permet d'entrer directement dans le quartier du Petit Bourg. "Gare Petit-Bourg" est d'ailleurs l'ancien nom de cette gare ferroviaire qui dessert les quartiers plus anciens d'Évry.

Photo Jacques Fillis.

Le Petit Bourg

Christine qui a très soigneusement préparé une riche documentation nous conte l'histoire des lieux : "L'histoire d'Évry-petit-Bourg est très ancienne, le modeste village était édifié au bord de la Seine, principale voie de communication vers Paris. Sur la hauteur du coteau, à l'abri des débordements du fleuve, sont édifiés de nombreux petits châteaux (Beauvoir, Bataille, Petit-Bourg, Grand-Bourg, Mousseau, Neubourg, Tourelles, la Grange Feu-Louis). Ils servaient de résidence de campagne aux nobles et aux riches parisiens pour lesquels il était, en effet, plus aisé d'emprunter la voie fluviale pour quitter Paris plutôt que des routes peu sûres et dont l'état laissait souvent à désirer. En dehors de l'église Saint Pierre et Saint Paul, il reste peu de chose du passé du village : une maison à tourelle rue de Seine ou une statue d'Atlas du XVIIème siècle, provenant du château de Mousseau, qui a donné son nom au quartier du "Bonhomme en Pierre". Le château de Beauvoir est devenu un centre de soins tandis que le château Bataille, vendu par la ville à un groupe d'investissement, est transformé en appartements de grand standing.


 Nous remontons le coteau par la Rue de Seine, longeant le bâtiment hébergeant l'Union des retraités d'Evry qui bénéficie du cadre apaisant du Parc Pompidou. Un peu plus loin, nous empruntons la 'Rue des Jardins', une très étroite ruelle, bucolique, qui s'insinue  entre les murs de pierre meulière des maisons anciennes.  Nous marquons un arrêt devant l'église Saint Pierre et Saint Paul. Construite entre 1100 et 1200 dans le style gothique, tombée en ruine pendant la Guerre de Cent Ans, elle est reconstruite aux 17éme siècle. La petite vidéo, ci-contre, propose une visite de cette petite église.

En quelques dizaines d'années, le centre d'Évry s'est déplacé de quelques kilomètres de l'autre côté de la Nationale 7, quand il fut décidé d'établir ici une des cinq villes nouvelles de la région parisienne (avec Cergy-Pontoise, Marne-la-Vallée, Saint-Quentin-en-Yvelines et Melun-Sénart). Le rôle de ces "villes à la campagne" était de réduire la population toujours croissante de la "petite couronne" parisienne due à la poussée démographique issue du "baby-boum".
Évry  perdit ainsi sa dénomination de l'après guerre "Évry-Petit-Bourg"
 En même temps, le vieil Évry, perdant sa fonction de centre-ville gagna toute cette  étonnante sérénité que nous découvrons aujourd'hui.


Nous voici maintenant place du Général De Gaulle, au niveau de la Mairie Annexe du Village. Ce bâtiment inauguré en 1961 par le Premier Ministre en personne, Michel Debré fut, à l'époque, le nouvel Hôtel de Ville digne d'une ville-préfecture. Aujourd'hui, trop petit, il n'est plus qu'une mairie annexe à côté du bureau de poste devenu annexe, lui aussi. Nous passons devant l'École primaire Albert Levasseur puis devant le Gymnase Eugène Piat, et dépassons le petit Centre Commercial du Parc avant de rejoindre le Boulevard Decauville. Paul Amand Decauville (1846/1922), est un inventeur et un industriel. Il fut également maire d'Évry-Petit-Bourg et sénateur de Seine-et-Oise. Son attrait pour la mécanique le conduit à rechercher tous les perfectionnements possibles de l'outillage agricole, inventant notamment un système de chemin de fer à voie étroite. Sur des rails démontables écartés de 40 cm, il avait eu l'idée de faire circuler des wagonnets tirés par une petite locomotive à vapeur. Son matériel rustique et solide, construit dans les ateliers d'Évry, allait permettre non seulement le transport des betteraves vers les distilleries, mais aussi celui de la canne aux Antilles ou la pénétration des forêts africaines. Devenu un nom commun, signe de consécration, la "decauville", vaillante petite machine, allait conquérir le monde.
Restitution virtuelle de ce que fut le château de Petit-Bourg
  Réalisation virtuelle d'Hervé Grégoire.
Nous marquons un nouvel arrêt au niveau de la petite "Allée Louise Bathilde de Bourbon". Christine explique qu'à cet endroit se dressait le "Château de Petit-Bourg. l'allée Louise Bathilde de Bourbon en était alors l'allée d'honneur. Vers 1695, Madame de Montespan (connue pour sa liaison avec Louis XIV dont elle eut sept enfants) acquit le château de Petit-Bourg.  Louis XIV visitant le château déplora que la forêt dérobât un point de vue qu'il aurait pu avoir sur la vallée de la Seine sans cet obstacle malencontreux. Le marquis d'Antin, attentif au moindre caprice royal, fit abattre immédiatement le massif d'arbres dégageant ainsi le panorama sur le fleuve. Madame de Montespan  fit réaliser d'importants travaux d'aménagement , elle chargea André Le Nôtre d'en dessiner les jardins "à la Française", étagés en terrasses. Elle s'y réfugia après sa disgrâce. Le château fut entièrement démoli en 1750 et remplacé par un nouvel édifice à partir de 1756 dans le goût néo-classique, œuvre de l'architecte Jean-Michel Chevotet. Lors de la Révolution, il appartenait à la duchesse Louise Bathilde de Bourbon, mère du duc d’Enghien,. 

Au 19ème siècle, le Marquis Aguado, célèbre banquier, sera séduit par cette demeure dont il sera propriétaire. Il deviendra maire de la commune. Il y invitera régulièrement le monde de la musique et de la danse de l’Opéra de Paris, en particulier le grand compositeur Rossini, qui y a composé l'opéra 'Guillaume Tell'. Il ne reste absolument rien aujourd'hui de toute cette magnificence , si ce n'est que ce petit bout d'allée mal entretenue au milieu d'un paysage urbain résidentiel.

Le Grand Bourg

Photo Jacques Fillis.
Nous voilà maintenant Avenue Ratisbonne où s'élève le Lycée technique Notre Dame de Sion. Issu d'une famille juive, Théodore Ratisbonne se convertit au catholicisme en 1827 et n'a de cesse de fonder une œuvre destinée à conduire les jeunes filles juives vers la foi chrétienne. Le château de Grand-Bourg lui fut légué par Alexis Revenaz, son propriétaire, à condition que s'y installent des religieuses qui ouvriraient une école gratuite pour les enfants du pays. C'est l'origine de la Congrégation Notre Dame de Sion. Le lycée technique est toujours installé à ce même endroit. Le Père Théodore Ratisbonne repose pour l'éternité dans le parc de l'école. Nous sommes à présent au niveau de la ruelle de la Cour des Miracles et des Ateliers d'Arts plastiques où une classe préparatoire accueille une vingtaine d’élèves souhaitant intégrer les écoles supérieures d’art. Voisin des ateliers, se dresse une belle demeure bourgeoise qui appartînt au Général San Martin, héros national argentin, dit "El Libertador". Pas une ville ou un village argentin n'a de parc, de place ou d'avenue rebaptisé au nom de ce général qui a chassé les Espagnols en 1813 lors de la bataille de San Lorenzo


Arrivé en France à partir de 1824, San Martin retrouve un ancien compagnon d'armes, Alexandre Aguado, l'un des banquiers les plus riches de France. Aguado (qui a inspiré à Alexandre Dumas le Comte de Monte-Cristo) lui parle d'Evry, commune dont il est maire et où il possède un château. Sur ses conseils, El Libertador achète dans les années 1830 la maison de Grand-Bourg. Il y vivra avec sa fille, son gendre et ses petits-enfants. Dans le climat tendu de la révolution de 1848, il vend sa propriété et s'installe avec sa famille à Boulogne-sur-Mer, où il meurt peu après et où il est enterré. Ses cendres seront rapatriées dès 1861, à Buenos Aires, dans la cathédrale où les Argentins viennent se recueillir nombreux devant le tombeau de leur héros.
La maison d'El Libertador.


Ris-Orangis et retour vers le village d'Évry


Nous prenons le Chemin du Trousseau. Nous sommes désormais sur le territoire de Ris-Orangis et plus précisément sur la route qui traverse le Parc de Trousseau, domaine de 40 hectares d'espaces naturels, composé en grande partie de prairies et de bois. Nous dépassons les Écuries du Trousseau qui possède une cavalerie d'une quarantaine d’équidés, du shetland au petit cheval, adaptés à l'apprentissage, permettant aux plus jeunes de pratiquer l’activité en toute sécurité. Un peu plus loin nous marquons un arrêt devant les hautes grilles de la Ferme du Trousseau. Au delà des bâtiments de la ferme se cache, à l'abri des regards, le Château du Trousseau. En réalité, il est visible depuis la voie ferrée en contre-bas longeant la Seine. Confisqué pendant la Révolution, il est vendu comme bien national. En 1845, il fut acheté par la famille des actuels propriétaires. Nous poursuivons jusqu'au Stade Roger Latruberce qui abrite les structures de l'Union Sportive Ris Orangis Section Rugby (USRO-SR).
Nous contournons les terrains du stade pour rejoindre le chemin de halage. Le niveau des eaux de la Seine est très élevé, cependant le chemin reste bien praticable. Nous nous engageons ainsi sur la rive entre Seine et voie ferrée vers Évry-village. D'énormes péniches remontent lentement le fort courant vers l'amont. Des oies bernaches se sont regroupées sur la berge. Nous arrivons au niveau du barrage et de l'écluse n°8 d'Évry-Soisy. L'ancienne écluse vit ses travaux interrompus par la Guerre 14-18. Il ne se sont terminés qu’en 1924. L’écluse d’Evry-Soisy devînt alors une écluse essentielle dans le trafic fluvial de la Seine. Elle connut par la suite des travaux de modernisation et d’automatisation du fonctionnement général et accueille pas moins de 14 000 bateaux de fort tonnage par an. La présence de nombreuses espèces animales dont les cormorans, les oies témoignent de la parfaite intégration de l’écluse dans le paysage naturel du fleuve. Sa passerelle n'avait originellement pas vocation à être empruntée par le public et était réservée aux éclusiers. Cependant cette interdiction n'était pas réellement respectée. On fit donc d'importants travaux pour la rendre conforme à l'utilisation grand public que l'usage imposait. Ces travaux se sont achevés en 2021 et désormais les habitants de Soisy disposent d'un accès piétonnier rapide aux gares RER d'Évry-village.


Le mémorial Missak Manouchian.

Plus loin, le chemin de halage longe le petit 'Parc Manouchian'. Un homme y fait jouer son jeune chien, un Golden Retriever que nous voyons se précipiter dans les eaux de la Seine à la poursuite d'un canard qui s'enfuit à grandes envolées.

Ce parc de 8 hectares s’est vu nommé Missak Manouchian en l’honneur du chef des FTP-MOI (réseau des Francs Tireurs et Partisan de la Main d’Œuvre Immigrée), arrêté à Evry le 16 novembre 1943 en gare d’Évry-Petit-Bourg, par les brigades spéciales de la police française, alors qu'il allait rejoindre son camarade Joseph Epstein. Sa compagne, elle, parvient à s'échapper. Nous marquons un arrêt devant les stèles du petit mémorial consacrées à l’histoire de ce grand nom de la Résistance. L'arrestation aboutit au démantèlement du réseau et à la terrible propagande de la funestement célèbre 'Affiche rouge'. 


Les 23 membres du groupe Manouchian seront tous arrêtés, jugés sommairement et condamnés à mort par les nazis le 20 février 1944. Ils seront tous fusillés, dès le lendemain, au Mont Valérien, à l’exception, d’Olga Bancic envoyée en Allemagne et guillotinée. 

Chaque année, le premier dimanche suivant le 11 novembre, la ville d’Evry organise une cérémonie en mémoire à Missak Manouchian dans le parc éponyme. Ce héros de la résistance et son épouse Mélinée ont été Panthéonisés, le 21 février 2024, lors d’une cérémonie nationale présidée par le président de la République.


Nous retrouvons nos voitures que nous avions garées tout près du mémorial. Un grand merci à Christine pour la belle organisation de cette rando et pour la richesse de la documentation dont elle nous a fait profiter.