mardi 28 septembre 2021

Bouray-sur-Juine (Claude le 28/09/2021)

Photos du jour.
Photo D.Armanini
Après un weekend pluvieux et maussade, Claude a stratégiquement choisi ce beau mardi ensoleillé pour nous conduire sur une boucle d'un peu moins de 12 kilomètres à Bouray-sur Juine, une petite commune de l'Essonne proche de la Ferté-Allais dans le Nord du Gâtinais Français .
La Juine, une petite rivière très tranquille, marque, au nord du village sa limite avec Lardy, l'importante commune voisine, bien connue pour héberger sur son territoire  le centre d'essais automobiles de la marque Renault qui s'est installé, ici, dans les années 1950 sur une partie de l'ancien domaine du château du Mesnil-Voisin qui lui-même est implanté sur le territoire de Bouray-surJuine.
C'est dire à quel point l'histoire avait confondu les deux communes dans une unité effective. C'est sans doute pour cette raison que les deux municipalités avaient en 2016 élaboré un projet de fusion complète en une unique commune nouvelle. Cependant, ce projet a échoué comme nous le verrons un peu plus loin.
Nous nous sommes garés sur le parking du stade municipal Jean-Claude Évin. Claude nous propose d'attaquer directement vers le sud, à travers champs, pour rejoindre le coteau boisé qu'on aperçoit vers le sud.

Aérodrome Jean-Baptiste Salis (Cerny).
Photo D.Armanini
Nous escaladons tant bien que mal le coteau ombragé. Le sentier abrupt est, de place en place, encombré de tronc d'arbres couchés. Un petit moment de pur bonheur sportif qui nous permet de rejoindre le plateau fertile qui domine le paysage. Un tracteur tire une large déchaumeuse dont les disques assurent à la fois le travail de découpage horizontal et vertical de la bande de terre et celui de son retournement comme avec une charrue. Claude fait remarquer que nous nous trouvons sur le chemin baptisé le "Tour de Paris". (Voir, à ce sujet, l'article dans la rubrique 'On en Parle').

Dans, le ciel, un avion qui fut très probablement engagé dans de périlleuses missions au cours de la seconde guerre mondiale (la dernière espérons-le) nous régale de figures acrobatiques, piqués, loopings, et autres vrilles improbables. Nous sommes, en effet, tout près de Cerny, de son fameux aérodrome Jean-Baptiste Salis, de son Aéro-Vintage-Academy et de son Musée Volant. Le mythique meeting aérien de Cerny/La-Ferté-Allais rime normalement avec la Pentecôte. Mais avec la pandémie, le rendez-vous des passionnés d’aviation ancienne, annulé en 2020, a eu lieu cette année les 28 et 29 août.

GIF JPL
Durant la Seconde Guerre mondiale, Jean-Baptiste Salis mit sa propriété de Cerny à la disposition du commandement anglais. Le futur aérodrome commença son histoire opérationnelle sous le nom de code "BINIOU". Dès 1947, Jean-Baptiste Salis remonte des ateliers pour se consacrer à la reconstitution et à la restauration d’avions historiques. Il est progressivement rejoint par de nombreux passionnés. Chaque année, le samedi et le dimanche de la Pentecôte, l’amicale Jean-Baptiste Salis organise un meeting aérien baptisé "Le temps des Hélices", qui met en scène de nombreux avions anciens venus de toute l’Europe. Ce meeting reçoit également la participation régulière de la Patrouille de France. Pendant tout le reste de l'année, des pilotes, soit pour des essais sur des modèles restaurés, soit pour les besoins de leur entraînement personnel, performent au-dessus des vastes espaces champêtres entre Cerny, Itteville et Bouray-sur-Juine. Nous avons la chance de nous trouver là, entre ces bois et ces champs, lors d'une de ces séances d'entraînement acrobatique.


Lardy

Photo D.Armanini
Nous redescendons vers la plaine agricole de Bouray-sur-Juine, suivant un agréable chemin forestier serpentant dans un paysage très semblable à celui de la forêt de Fontainebleau.  Ces espaces forestiers riches en châtaigniers, au sol sableux présentant des affleurements gréseux constituent  le paysage typique du Gâtinais Français. Nous sommes maintenant dans la plaine  et nous approchons de la Juine que nous traversons sur le Pont Cornuel du nom de la famille propriétaire du domaine du Mesnil-Voisin. Il est couramment dénommé Pont de Cochet. Il marque la frontière entre la commune de Bouray-sur-Juine et celle de Lardy. On le doit à l'architecte Boullanger qui l'a bâti en 1757 sur terrain sec, au nord du cours de la rivière qui fut ensuite détourné pour passer sous l'ouvrage. Au delà du pont, on aperçoit les établissements Renault qui ont installé, ici à Lardy, leur Centre d'Essais.
Ce centre technique de Renault de Lardy est un point de passage obligatoire pour les nouveaux modèles que le constructeur souhaite commercialiser. 2300 personnes y étudient l’acoustique des véhicules, développent de nouveaux moteurs.



Screenshot Google Maps
Moteurs, boîtes de vitesse, carrosserie, batteries, etc., passent par les bancs d’essai du site avant d’être mis en production. Un enjeu majeur est d'optimiser la consommation de carburant et de limiter l'émission de CO2. Cepandant, le Centre Renault Lardy spécialisé dans  la validation des moteurs essence et diesel pourrait payer au prix fort la transition vers l’électrique du constructeur automobile. De nombreux emplois sont ainsi menacés et le climat social dans l'usine y est délètère en cette année 2021.

En 2016, un projet d'une commune nouvelle issue de la fusion de Lardy et de Bouray avait vu le jour, notamment soutenu par la Maire de Lardy. Le projet semblait en bonne voie. On avait même choisi le nom de la commune à naître : Mesnil-sur-Juine. Mais la mariée s'est défilée quelques jours avant les noces officielles. Le dépouillement du vote du Conseil Municipal de Lardy est sans appel : 14 contre, 14 pour et une abstention. La majorité absolue, indispensable à la réalisation du projet, n'a pas été réunie. Le Conseil Municipal de Bouray-sur-Juine s'est lui prononcé massivement en faveur du projet (15 pour, 4 contre, zéro abstention), mais en vain. Il n'y aura pas d'union et les deux communes devront se contenter de relations de bon voisinage. "Si on vote pour la création de la commune nouvelle, on balaye 200 ans d'histoire, on perd notre nom et donc notre identité", estimait une élue. Il est probable que ce type d'argumentation aura lourdement pesé dans la balance.
 

Les eaux limpides de la Juine.

Photo D.Armanini

"La plus limpide et moins connue des rivières" disait Alfred de Vigny au sujet de la Juine.
Effectivement les eaux de ce petit affluent de la rivière Essonne sont d'une limpidité remarquable. On en trouve l'explication dans l'hydrographie locale mais aussi dans l'histoire.
En fait, la Juine n'est pas une rivière naturelle au sens habituel du terme. Elle est largement artificielle et fut en grande partie façonnée par la main de l’homme lors de l’implantation historique des moulins. La rivière a été alors détournée, remodelée, sectionnée en biefs (parties de rivière comprises entre deux chutes d’eau). On dénombre sur son lit principal 40 biefs – bassins fermés qui déversent leur eau en continu, d’un bassin dans l’autre – et 45 biefs sur ses 4 affluents ( l’Eclimont, la Marette de Guillerval, la Louette et la Chalouette). Ces 85 biefs surplombent la rivière naturelle ou ancien lit, appelée "marette". La Juine est une rivière de nappe, alimentée à 80% par les eaux claires de la  nappe de Beauce. Les variations de la hauteur de la nappe ont une incidence directe sur le point de naissance de la Juine : la source active (située dans le Loiret au sud d'Autruy) peut se déplacer sur une distance de 4,5 kilomètres. L'alimentation naturelle de la Juine se fait également par toute une une série de sources aux eaux cristallines. Elle suit son cours jusqu'à sa confluence avec l'Essonne à Vert-le-Petit. Entre Autruy et Saclas, de nombreuses cressicultures sont alimentées par ces sources dont les eaux pures s'écoulent dans le cours de la rivière après avoir couru dans les bassins des cressonnières. Ces sources nombreuses qui alimentent la rivière ont toutes une température à peu près constante d'environ 12°C en toutes saisons. Les eaux sont, ainsi, généralement poissonneuses et la faune variée : gardons, goujons, ablettes, vandoises, brèmes, chevesnes, brochets, perches, tanches et anguilles. Les truites sont présentes dans la haute vallée et les écrevisses s'y propagent épisodiquement. Son cours de 52 kilomètres de longueur est paisible et régulier, et ne connaît ni crue ni étiage. Ses rives ont une végétation luxuriante : peupliers, aulnes, osiers et frênes qui trouvent un biotope favorable sur ces terrains tourbeux. De sa source jusqu'à sa confluence, la Juine arrose 18 communes Autruy-sur-Juine ~ Le Mérévillois ~ Saclas ~ Saint-Cyr-la-Rivière ~ Boissy-la-Rivière ~ Ormoy-la-Rivière ~ Étampes ~ Morigny-Champigny ~ Étréchy ~ Auvers-Saint-Georges ~ Chamarande ~ Janville-sur-Juine ~ Lardy ~ Bouray-sur-Juine ~ Saint-Vrain ~ Itteville ~ Ballancourt-sur-Essonne ~ Vert-le-Petit.

Bouray-sur-Juine.

Photo D.Armanini
Nous longeons la rive de la rivière côté Lardy puis la traversons, sur une jolie passerelle, pour revenir à Bouray au niveau du lavoir de la rue Damalouise . Autrefois, on l'appelait le "lavoir du bas" pour le distinguer avec le lavoir du pont Cornuel, aujourd'hui disparu. Ce "lavoir du bas" avait été construit en 1848 pour répondre à une demande de la population. Il est aujourd'hui entièrement restauré. Le choléra, la variole et la typhoïde sévissent encore au XIXème siècle. Les progrès de la médecine invitent à mieux surveiller l'eau. Dans la seconde moitié du XIXème siècle, la propreté devient l'objet d'un véritable culte. On encourage l'entretien du linge et la spécialisation des lieux et des usages de l'eau. Le lavoir, ici, est un bâtiment de plan rectangulaire couvert d'une toiture à deux versants qui s'ouvre sur la Juine. L'espace intérieur est divisé en deux parties accessibles de l'extérieur par deux entrées distinctes. Le versant de la couverture côté rivière dépasse le lavoir dans le but d'abriter les utilisateurs. Chaque semaine, les lavandières venaient y rincer leur linge apporté sur une brouette, avec un agenouilloir et un battoir. C'était alors un lieu de réunion où on colportait les nouvelles, les racontars, et parfois, dit-on, les médisances.
Photo D.Armanini

Nous remontons ces petites rues où a notamment vécu Eva Joly, magistrate et femme politique bien connue. Nous nous arrêtons un instant devant l'église Saint-Pierre-ès-Liens. Elle daterait de 1120. Ruinée par les désastres de la Guerre de Cent Ans, elle est restaurée au XVIème siècle. Les vestiges de l’église romane sont le clocher carré et le chœur à chevet plat. En revanche, la porte latérale est du style Renaissance. Le chœur et l’autel ont été restaurés au XIXème siècle par le Châtelain de Frémigny. (Il y a deux châteaux à Bouray-sur-Juine : Le château de Frémigny avec son style à l'italienne, son péristyle à colonnades et ses terrasses, perrons, escalier à balustres. Et le château de Mesnil-Voisin du XVIIe siècle avec son parc remarquable.)
Le Musée des Vieux Métiers, situé en plein cœur du village dans l'ancienne école de filles, regroupe plusieurs milliers d'objets du XVIIIème siècle et XIXème siècle et tente de retracer la vie et les métiers d'autrefois. On y trouve par exemple une ancienne salle de classe reconstituée, une épicerie, un foyer familial, mais également l'atelier d'un forgeron, celui d'un serrurier ou d'un maître tisserand.
Il serait enfin parfaitement inconcevable de terminer cet article sans mentionner Le Dieu de Bouray . C'est une statuette de bronze de 42 cm de hauteur représentant le dieu gaulois Cernunnos. Elle fut découverte en 1845 dans le parc du château de Mesnil-Voisin, lors d'un dragage de la Juine. Le Musée d'archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye possède l'original depuis 1934, et une copie est exposée dans la salle du Conseil municipal, en mairie de Bouray-sur-Juine. Le personnage divin est assis les jambes repliées, dans la pose dite bouddhique. Le torse est disproportionné. Les membres inférieurs qui paraissent atrophiés sont des pattes de cerf avec leurs sabots. La tête est admirablement traitée, à la fois juste d’allure et de proportions, belle dans son expression figée, grave, hautaine.

Il ne nous reste plus qu'à rejoindre le parking du stade municipal pour y retrouver nos véhicules et y remercier Claude pour nous avoir permis ces découvertes.

Carte de notre circuit :
Le plan imprimable et le fichier GPX de ce circuit sont accessibles dans l'onglet "GPX&PDF". (Mot de passe nécessaire)

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