mardi 28 janvier 2020

Au fil de la Barbançonne / Grisy-Suisnes (François le 28/01/2020)



Malgré une météo pessimiste promettant pluie et grand vent, c'est un mardi de fin janvier sans une goutte d'eau dont on s'est félicité aujourd'hui, comme ce fut miraculeusement le cas pour chaque mardi depuis octobre. Nous avons même pu apprécier quelques rayons de soleil, sur des chemins gorgés d'eau où l'emploi des guêtres de rando s'avère mieux qu'une simple précaution.
Le charme discret des randos hivernales...selon Pétula Clark.


Photo D. Armanini
Grisy-Suisnes.
Lors de la rando du 07 janvier dernier, nous étions passés près de la gare de Grisy-Suisnes transformée en Musée de la Rose. J'avais évoqué le rôle important de l'Amiral Bougainville et de son jardinier Christophe COCHET dans l'histoire locale (voir ce lien). Aujourd'hui, nous démarrons la rando par la verdoyante place de la Mairie, son beffroi, son église si particulière et c'est peut-être l'occasion d'évoquer d'autres figures qui ont marqué l'histoire locale. Comme cette Madame Hégot, décédée en 1873, qui légua à la commune un quart de sa fortune sous condition de fonder une école gratuite pour les deux sexes, dirigée exclusivement par des laïques de moralité reconnue. Le  leg serait frappé de nullité si d'autres que des laïques avaient eu la charge des jeunes âmes du village.
Les travaux traînèrent et ce ne fut que le 1er juin 1881 que les garçons occupèrent la première classe.
Ainsi, Mme Hégot et la municipalité de Grisy furent des précurseurs car 1881 fut précisément l’année où Jules Ferry institua l’instruction primaire laïque, gratuite et obligatoire !



Le Beffroi.
Inauguré en 1897, ce beffroi communal a été élevé afin de tenter de remplacer le clocher de l’église, qui venait d’être abattu pour cause de vétusté. Il permettait, en sonnant l’angélus, un repérage dans le temps pour les ouvriers agricoles si nombreux à l’époque.

L'église Notre-Dame des Roses.


L’ancienne église qui n'avait déjà plus de clocher est démolie en 1910, malgré une campagne de presse et des pétitions, auxquelles participe même l’écrivain de la droite nationaliste Maurice Barrès. La commune n’ayant plus de lieu de culte décent, une association familiale entreprend, de 1964 à 1966, la construction d’une église moderne. Antoine Koradi, architecte, opte pur une conception ternaire : toiture à trois angles, trois murs en béton et fenêtres triangulaires. À l’intérieur, la voûte est recouverte de lambris, dont les motifs distinguent la nef du chœur. La structure en forme de poisson rappelle que le Christ est sauveur, et son aspect général évoque la barque de Pierre, sur lequel Jésus fonde son église.













La Barbançonne.
Photo D. Armanini

La Barbançonne est un ruisseau de 12,10 km. Il prend sa source à Chevry Cossigny et se jette dans l’Yerres  à Brie Comte Robert. C'est donc ce petit sous-affluent de la Seine que nous longeons sur quelques kilomètres puis que nous quittons provisoirement dans la campagne briarde avant de le rejoindre dans le vallon juste après être passé devant le Château de Villemain.

Ne pas confondre le mot "Barbançonne" avec son anagramme "Brabançonne", l'hymne national belge.


Le Château de Villemain.

François nous donne des informations très documentées sur cette ancienne seigneurie de style Louis XIII. Au XVIèmesiècle, le château, les jardins et le parc furent la propriété de Jean Nicot. Ce diplomate et voyageur érudit passe pour être l'auteur du premier grand corpus de dictionnaires français-latin. Mais il est aussi et surtout connu pour être l'importateur d'une plante aux grandes vertus médicinales : le tabac (qui à cette époque ne se fumait pas encore). L'herbe à Nicot est à l'origine de ce qu'on nomma plus tard "nicotine" cette drogue douce qui a engendré tant de grands malheurs pour un très grand nombre et quelques immenses fortunes pour quelques uns.

Mais François n'a pas fini de nous surprendre. L'histoire moderne du château est lourde d'anecdotes angoissantes. Ce château abritait depuis 1983 "Foi et Pratique", la branche intégriste du TablighLe tabligh (en français "Association pour la prédication") est un mouvement transnational de prédication de masse, né en Inde en 1927. Son fondateur Muhammas Ilyas prônait une pratique individuelle pure proche de la vie menée par le Prophète, et une interprétation strictement littérale du Coran. En 2004, une enquête avait mené quatre journalistes de Canal+ depuis le  Pakistan jusqu'aux portes de cet intrigant château où ils soupçonnaient la présence d'une école coranique clandestine. Mohsen Hammami, avec son père, l'imam Mohammed Hammami et plusieurs jeunes de l'organisation, visiblement irrités par la présence de Canal+ vont violemment prendre à parti les trois reporters et les passer à tabac. 
Depuis la fermeture de l'internat en 2004, il y a très peu de signes d'activité au château. Si l'association "Foi et Pratique" est toujours propriétaire des lieux, les travaux nécessaires à la remise aux normes du bâtiment n'ont pas été effectués et les grilles de la propriété restent closes. Du côté de la mairie, on est formel :«Le château de Villemain n'est pas habité en ce moment.  Des membres de la famille Hammami y viennent de temps à autre mais il n'y a plus aucun enfant là-bas. Tous sont retournés dans leurs familles et ont été à nouveau scolarisés à l'école républicaine ».

Le 23 janvier 2008, l'Imam Hammami , son fils et deux jeunes membres de "Foi et Pratique", ont été condamnés  à des peines de prison par le tribunal correctionnel de Melun pour les graves violences infligées, quatre ans plus tôt, aux reporters de Canal+.



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