mardi 14 juin 2022

Le Rocher Saint Germain, la Vallée de la Solle (Christine le 14/06/2022)



Photos du jour.

Les conditions météo aujourd'hui, marquées par un ensoleillement spécialement généreux avec une température légèrement supérieure à 25°C, sont idéales pour cette rando dynamique à l'ombre du couvert forestier.
Christine nous propose, à partir du Cabaret Masson, un magnifique circuit de neuf kilomètres, en forme d'une large boucle encerclant l'hyppodrome de la Solle, qui va nous permettre de découvrir le Rocher Saint Germain, les hauteurs de la Solle, les paysages du Mont Chauvet, la réserve biologique intégrale du Gros Fouteau qui a récemment été retenue par l'union internationale pour la conservation de la nature (UICN) pour une évaluation en vue d'intégrer la prestigieuse liste du Patrimoine Mondial de l'Unesco




Le Rocher Saint Germain.
À la sortie du parking du Cabaret Masson, nous rejoignons le sentier Denecourt N°4 dont nous allons suivre le balisage bleu tout au long de l'impressionnant dédale de roches qui constitue le 'Rocher Saint Germain'. Ce sentier fut d'abord inventé par Denecourt vers 1860, puis complétée par Charles Colinet. L'origine du nom de l'endroit remonte aux capétiens. Un monastère dédié à Saint Germain l'Auxerrois fondé dans le Comté de Melun a, aujourd'hui, complètement disparu sans laisser la moindre trace ; seul le nom du lieu a survécu. C'est ici un sentier relativement sportif. La lettre 'Q' peinte en bleu sur un énorme rocher marque notre entrée dans le 'défilé des Cinq Caveaux'. On se hisse, on se faufile, on se plie, on se déplie, circulant entre d'énormes blocs de grès qui, à plusieurs reprises, dans le chaos géologique de leur formation, constituent de petits caveaux étroits pleins des mystères de la forêt. C'est dans l'un de ces abris sous roche appelé 'La grotte de Robert le Diable' que nous découvrons 🔰La Vierge du Rocher Saint-Germain  nommée aussi "Notre Dame du Perpétuel Secours". C'est une représentation de Madone peinte en 1880 par le provinois Charles Cordier. Cette belle peinture fut restaurée en 1925, en 1952 puis en 1983 et dernièrement en 2014. Elle présente aujourd'hui quelques altérations dues sans doute davantage aux caresses de mains pieuses qu'à la présence des lichens.
Nous poursuivons ainsi avec, plus ou moins de souplesse, dans cette partie somptueuse du massif de Fontainebleau où rien ne manque ni le chaos rocheux de la platière effondrée, ni la pureté des sables siliceux, ni l'odeur des essences de la pinède, ni le vert intense des fougères innombrables. Nous descendons à présent vers la Grotte aux Cristaux. Véritable curiosité naturelle, cette grotte fut découverte en 1771 par un carrier du coin, le bien nommé Laroche. Le roi Louis XVI aurait fait le déplacement à Fontainebleau pour la voir. L'endroit tomba ensuite dans l'oubli et ce n'est qu'en septembre 1850 qu'un ouvrier nommé Benoît révéla de nouveau la présence de cette voûte couverte de 🔰cristallisations de grès.  Le lieu devint très vite populaire et les touristes affluaient pour la voir. Face à la recrudescence du vandalisme, l'administration combla la grotte. Elle fut rouverte et dégagée par Colinet en 1891 qui décida la pose de l'actuelle grille. Dans les années 60, Germaine et Léon Édelé créèrent à cet endroit la 🔰buvette de la Roche aux Cristaux  qui resta ouverte jusqu’au début des années 80. Un peu plus loin, nous découvrons la 'Fontaine Maria'. Sur la paroi de grès de la fontaine, de petites vasques, en forme de nid d'oiseau, ont été aménagées pour recueillir l'eau suintante de la roche. Cette fontaine fut creusée et aménagée par Charles Colinet en 1891, elle est dénommée du prénom de son épouse : Maria Colinet (1851-1933).

C'est cette femme remarquable qui poursuivit l'œuvre de Denecourt et de son mari après la mort de celui-ci en 1905. Elle assura l'entretien des sentiers et la publication des guides Denecourt-Colinet jusqu'en 1921. L'association du Touring Club de France prit le relais jusqu'en 1939. Depuis 1947, c'est l'Association des Amis de la Forêt de Fontainebleau qui a en charge l'entretien et le balisage des sentiers de la forêt.

La Route des Ligueurs.
Nous voilà arrivés au carrefour de 🔰Belle Croix,  sortant ainsi de l'espace du rocher Saint-Germain. À Belle Croix passe notamment la célèbre 'Route Ronde' qui ceinture la Forêt de Fontainebleau. Cette 'route' fut créée à l’initiative d’Henri IV pour permettre aux dames de la Cour de suivre les chasses en carrosse et placer des relais. Belle Croix est la plus ancienne croix de la forêt, elle fut érigée vers 1304 par un certain Pierre Tapereau. En 1504, Simon Tapereau, un descendant de Pierre, fit remplacer la croix, alors tombée en ruine, par une autre, formée d’un seul bloc de grès de 12 pieds de haut. Cette nouvelle croix était si bien travaillée, que l’ancien nom 'Croix Tapereau' fut changé en celui de Belle-Croix. Détruite en 1793, la Belle-Croix a été réédifiée en 1827. Abattue par une tempête en décembre 1911, elle est rétablie en 1913.
C'est au carrefour de Belle Croix qu'eut lieu le tragique duel opposant Soutzo à Ghika. Voir, ici, l'article sur ce sujet.

Nous entrons sur le chemin qui longe la 'Route des Ligueurs'. Le paysage du chaos rocheux dominé par les pins que nous venons de traverser a fait place à la traditionnelle 'chênaie hêtrée' si abondante dans notre région. La petite formule mnémotechnique "Le charme d'Adam, c'est d'être à poil." permet de distinguer le hêtre du charme. En été, ces deux arbres, appartenant pourtant à des familles différentes, se ressemblent beaucoup, même forme, même écorce lisse et grise ; 🔰seule la feuille  permet la distinction : celles du charme sont dentelées (charme d'Adam/à dents) et celles du hêtre lisses et brillantes sur le dessus sont très légèrement duveteuses en dessous (hêtre/être à poil). En hiver, la distinction est beaucoup plus facile ; le charme perd ses feuilles tandis que celles du hêtre persistent en prenant de belles couleurs fauves. Les fougères, ici, se font plus discrètes, les chemins plus rectilignes, ne présentent aucune difficulté liée au dénivelé. Les rochers sont épars et le couvert végétal offre une ombre généreuse. Nous déambulons ainsi plein sud en direction de la 'Mare aux Ligueurs'.
Une hypothèse (aujourd'hui contestée) veut que ce soit par cette Route des Ligueurs qu'en 1562 le duc de Guise, le maréchal de Saint-André e t le connétable de Montmorency aient emmené de force, de Fontainebleau à Melun, le roi Charles IX alors âgé de 11 ans. Ce triumvirat fidèle au pape avait formé une alliance, une ligue, lors du sacre de l'enfant roi dont la mère (Catherine de Médicis) trahissait selon eux la cause catholique. Le nom donné à cette route 'Route des Ligueurs' aurait donc son origine dans ce sombre épisode de l'histoire qui accoucha de l'horreur des massacres de la Saint Barthélemy.
Non loin de la Mare des Ligueurs, nous découvrons la 'Fontaine Sanguinède'. Cette fontaine fut construite en 1852 par Claude-François Denecourt. Il lui donna ce nom en reconnaissance à M. Sanguinède, orfèvre parisien, qui avait plus que généreusement contribué aux frais des travaux pour la création de cette fontaine. En 1883, constatant que le tuyau d'amenée est obstrué par des racines de plantes, Charles Colinet établit un trop-plein et en profite pour revoir l'arrangement de la fontaine. L'eau débitée s'écoule par un tuyau de poterie placé de façon à réunir et amener à son orifice celle qui s'infiltre dans le sol. S'agissant d'une fontaine intermittente, l'eau ne s'y écoule qu'après de fortes averses. Nous entrons sur la Route des Hauteurs de la Solle que nous allons suivre vers l'est. Comme son nom l'indique nous dominons, ici, la vallée de la Solle. Ce chemin permet de contourner par le sud les difficultés du Mont Chauvet. Au 'Carrefour du Gros Hêtre', nous marquons une pause.

La RBI du Gros Fouteau.
Christine attire notre attention sur le panonceau indiquant que nous allons pénétrer dans la 🔰réserve biologique intégrale  (RBI) du Gros Fouteau. Christine insiste sur l'absolu respect des lieux, sur la nécessité de rester impérativement sur le chemin et de ne pénétrer dans le sous-bois sous aucun prétexte même d'ordre vésical. Nous prenons donc les dispositions préalables puis entrons dans les lieux. Cette RBI du Gros Fouteau (Fouteau est le diminutif de fogustellum, hêtre en latin) est une des plus anciennes du pays. Créée en 1953, elle est l'héritière des "séries artistiques" de Fontainebleau que l'on doit à l'action militante des peintres paysagistes de l’École de Barbizon menés par Théodore Rousseau. Ceux-ci aidés par un cortège d'intellectuels pétitionnaires, dont Victor Hugo et Georges Sand obtinrent de Napoléon III un décret de classement en périmètre de protection contre toute exploitation de 542 hectares de vieilles futaies (la Tillaie, le Gros-Fouteau, le Chêne-Brûlé, les Ventes-à-la-Reine) et de 555 hectares de rochers. Plus de mille hectares furent ainsi "soustraits à tout aménagement" – ne rien abattre, ne rien planter ! Cette jurisprudence, première politique au monde de sauvegarde d'un espace naturel, avant même les textes de Yellowstone, marque la naissance des Parcs Naturels. Ces 'séries artistiques' ont disparu, remplacées par les RBI où l'aspect scientifique l'emporte sur l'aspect esthétique. Le Gros Futeau constitue un terrain d'études exceptionnel où les experts peuvent observer l'évolution, sur plus de 150 ans, des biotopes laissés vierges de toute intervention humaine. Le moindre rameau pourrissant sur le sol revêt ici une importance considérable évidemment imperceptible pour le profane. La science peut ainsi définir, à partir de ces multiples observations, les meilleures stratégies d'intervention pour la protection, le développement et la sauvegarde des milieux naturels.

Retour au Cabaret Masson.


Nous quittons la Route des Hauteurs de la Solle pour descendre, par un petit chemin assez raide, vers la vallée où l'hippodrome occupe une immense clairière de 58 hectares. L’hippodrome de la Solle est l’un des plus anciens de France. Sous le règne de Louis XVI, les ducs d’Artois et de Chartres organisèrent pour la 1ère fois, le 11 novembre 1776, des courses à Fontainebleau, devant le roi venu chasser. L’hippodrome de la Solle propose aujourd’hui un calendrier annuel d'une vingtaine de réunions hippiques prémium (avec Pari Mutuel Urbain) organisées par France Galop proposant des courses en plat ou obstacles.
Christine nous invite à jeter un coup d'oeil circulaire sur toutes les crêtes boisées alentour qui correspondent très précisément à notre parcours. C'est grand, c'est haut, c'est beau. Pas de fausse modestie, nous avons été brillants.
Encore quelques ultimes centaines de mètres de cheminement en ces lieux enchanteurs et nous rejoignons le grand parking du Cabaret Masson. Nous remercions Christine pour l'excellente organisation de cette rando et pour son partage sans restriction des connaissances étendues qu'elle a du massif forestier.

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