mardi 7 septembre 2021

La Table du Roi, Brolles, la Mare aux Évées (Pilou le 07/09/2021)

Photos du jour.
Les plus beaux sont dans l'ombre...

C'est aujourd'hui un très beau mardi ensoleillé avec des températures qui frôlent les 30 degrés. Cependant, au cours des presque neuf kilomètres de cette rando, nous ne devrions pas avoir à trop souffrir, sous le couvert ombragé de la forêt, de ce retour inattendu d'un été, jusque là, très timide.

Rendez-vous nous est donné au Carrefour de l’Epine Foreuse à Fontainebleau. Ce nom provient d’une épine noire qui se trouvait là autrefois et qui mystérieusement transperçait un chêne sans aucunement le gêner dans sa végétation.

La Table du Roi.

Nous démarrons sur la 'route du Nord' qui, bien sûr, nous dirige plein nord puis tournons vers l'est sur la 'route du Chêne au Chien'. Là, nous nous ménageons une petie pause pour observer un magnifique chêne en cépée   qui présente pas moins de six troncs. "Le Chêne Citron", c'est le nom que Gisèle, dans un grand rire, s'empresse de proposer pour baptiser cet arbre remarquable. À Fontainebleau, ces arbres classés sont marqués d'un petit rond bleu.

Nous voilà sur la 'route d'Oran' qui va nous conduire jusqu'à la Table du Roi. La 'route du nord', la 'route du Chêne au Chien', la 'route d'Oran'... Que de routes ! En fait, la forêt de Fontainebleau comporte de très nombreux chemins, appelés "routes", on en compte plusieurs centaines. Le mot 'route' , ici, a son sens premier et dérive du verbe latin rumpere : effectuer une trouée dans la forêt. Route, rue, routier, routine, roture et roturier ont la même racine. ('roturier' désignait à l’origine celui auquel était concédé, contre redevance, un lot de défrichement).

Nous voilà devant la Table du Roi. Comme l'indiquent les inscriptions sculptées sur les bornes de grès qui l'entourent, elle a été construite en 1723. Elle est formée d'un seul morceau de grès qui mesure deux mètres sur toutes ses faces. Les pieds, brisés pendant la Révolution, ont été refaits en 1854, comme le rappelle l'inscription gravée en creux sur le rebord ouest. Tous les ans, au 1er mai, les officiers des eaux et forêts, sous la présidence du maître, s'assemblaient à cette table de pierre pour recevoir les droits, dons et hommages de quelques usagers.

Avaient souscrit, par exemple, l'abbesse du Lys avec un jambon et deux bouteilles de vin, le meunier du moulin de Poignet, à Melun, de même avec un jambon et deux bouteilles de vin, un boulanger de Melun, avec un grand gâteau, des habitants de Melun, avec cinq deniers par foyer, les nouveaux mariés et les nouveaux habitants avec, outre les cinq deniers, chacun un gâteau. Ainsi, les redevances consistaient beaucoup en alimentation de choix et c'est pour consommer tous ces mets que la table avait été conçue puis installée, à cet endroit, dès 1723.

Le bord de Seine à Brolles (Bois-le-Roi).

Photo D. Armanini



Nous traversons la D606 au carrefour dit de la Table du Roi. Il nous faut un peu de patience car le trafic, ici, est très intense. Puis nous prenons la 'route de la ruelle', un chemin qui passe sous la voie de chemin de fer et descend vers la berge de la Seine à la hauteur de Brolles, un quartier de Bois-le-Roi. Nous longeons la Seine en suivant le 'quai de la Ruelle', une agréable petite route totalement interdite au trafic automobile, exclusivement réservée à l'usage des riverains qui bénéficient d'une vue magnifique sur la Seine, loin du bruit urbain. Les maisons, ici, rivalisent de beauté. Les plus modestes feraient le bonheur des plus exigeants. Ces villas exposent une architecture pittoresque : retraits et décrochements, balcons et terrasses, toitures complexes avec clochetons, lucarnes et auvents, garde corps en bois dans le style 1900.




Nous passons devant une maison baptisée "le Vieux Logis". Elle présente une façade étonnante très chargée dans un style médiéval alors que le reste est en style 1900. En 1896, Émile Rochard, directeur des théâtres parisiens de l'Ambigu, propriétaire des lieux voulait un décor à sa mesure. Il s'offrit, alors, à Amiens , un édifice gothique fortement endommagé par un incendie. Il en fit démonter la façade intacte et la fit transporter, ici à Bois le Roi, ceci au grand dam de la population picarde qui voyait d'un mauvais œil disparaître son patrimoine. On adapta le bâti existant pour lui adapter cette magnifique façade. Cette maison est ainsi un mélange d’authenticité et de rajouts du XIXème siècle. Le nombre d’écussons témoignent de l’interprétation fantaisiste que l'on se faisait du moyen-âge au siècle dernier. L'ensemble, très cohérent, a vraiment belle allure.

Un peu plus loin, au coin de la rue qui va nous permettre de remonter le coteau, nous pouvons admirer une très grande maison construite à partir d'un ancien prieuré   jadis occupé par des moines passeurs. Ces religieux avaient un rôle stratégique puisqu’ils détenaient le droit exclusif d'exploitation du bac qui permettait le passage sur la Seine, privilège qu'ils gardèrent jusqu’à la Révolution. Depuis, la chapelle fut transformée en habitation. Une succession de petits bâtiments, furent agrandis et crépis afin de donner une certaine homogénéité. La tourelle, surmontée d'un élégant toit pyramidale, possède trois étages conçus différemment. Le rez de chaussée est un porche élégant ; le premier étage est constitué en larges balcons ; l’étage supérieur est clos de murs revêtus de colombages. Le jeu des briques, claires et sombres donnent à l'ensemble un caractère médiéval.

Brolles et Bois-le-Roi.

Photo D. Armanini



Nous remontons donc le coteau par la Rue de la Seine. Nous traversons la voie de chemin de fer sur un de ces anciens petits passages piètons directement établis sur les voies ferrées. Une traditionnelle plaque émaillée nous prévient qu'un train peut en cacher un autre. Sur notre droite, on aperçoit une motrice arrêtée en gare de Bois-le-Roi.
Brolles aurait été fondée par une colonie gauloise qui s'installa dans un lieu appelé Brigolium qui signifie 'lieu boisé'. C'est de ce mot celtique après bien des déformations que nous arrivons à Broissoles sous Saint Louis, plus tard Brézolles et enfin Brolles. Brolles fut longtemps le plus important des deux hameaux 'Brolles' et 'Bois-le-Roi' alors reliés par des chemins forestiers. C'est à partir de ces deux hameaux que s'est développée l'actuelle agglomération de 'Bois-le Roi' dont Brolles n'est plus qu'un simple quartier. Cette inversion de la hiérarchie initiale tient à l'implantation de la gare sur le territoire de Bois-le-Roi qui connut alors une importante croissance démographique.
Nous nous ménageons un petit détour pour aller voir le Château de Brolles. Cette demeure, construite en 1862 sur d'anciens vignobles, possède un point de vue admirable sur la vallée de la Seine. Le corps de logis central est flanqué de deux ailes en saillie. L'appareillage en pierres et briques et le toit en ardoises imitent le style Louis XIII très à la mode au XIXème siècle. Ici, on organisait des parties de chasse à courre somptueuses que le romancier et journaliste Louis Noir a suivies et décrites. En 1934, la Caisse Primaire de Maladie rachète l'établissement pour y accueillir des patients tuberculeux. En 1973, la tuberculose n'étant plus un fléau, l'établissement est transformé en centre de rééducation pédiatrique couramment appelé 'La Maison d'Enfants de Brolles'.




Le pétrole de Fontainebleau.

Photo JPL

Nous quittons Brolles par la Rue Marin, une étroite ruelle qui nous conduit jusqu'aux "routes" de la Forêt de Fontainebleau. Sur le chemin dit 'route de Dammarie', nous avons la surprise de découvrir en pleine forêt un ancien puits d'extraction pétrolière. Des panneaux pédagogiques ont été installés et retracent l'histoire locale de l'exploitation du pétrole et des shémas détaillés permettent de comprendre le fonctionnement de ce puits. Le gisement de pétrole de Chailly, découvert en 1958 fut exploité jusqu'en 1986. Le pétrole était acheminé par une ligne souterraine de pipe-line à la station technique de Fay, où il était débarassé de son eau, puis jusqu'à la raffinerie Elf Antar à Grandpuits. Pendant les 28 années d'exploitation, les 48 puits du gisement de Chailly ont produit près d'un million de barils correspondant à un tiers de la ressource totale que présente ce gisement. Il reste donc deux tiers du gisement initial à exploiter et, en 2020, un nouveau projet d'exploitation s'est fait jour suscitant la plus vive opposition des habitants et des associaions qui craignent une pollution secondaire des nappes phréatiques et une atteinte à l'intégrité de l'espace forestier. Les hausses du prix du pétrole sont à l'origine de cette recherche de nouveaux gisements dont l'exploitation devient rentable par rapport au coût des produits importés. Il reste aujourd'hui, en Seine et Marne, une centaine de puits ouverts dont cinq sociétés se partagent l'extraction. Il est probable que cette activité qui a connu un déclin, retrouve des pespectives et qu'on voit, dans le paysage seine et marnais le retour de ces puits à balancier.


La Mare aux Évées.
Photo D.Armanini

Nous voilà sur le chemin qui mène à la Mare aux Évées. Nous sommes ici sur une couche argileuse profonde de plusieurs mètres sans véritable évacuation. La mare initiale atteignait, pendant six mois de l'année, 15 hectares de surface marécageuse plus ou moins nauséabonde. Il fut donc décidé, à partir de 1833 de réaliser des travaux d'assainissement. On embaucha des chômeurs et les travaux durèrent trois années. Plus de vingt kilomètres de multiples petits canaux furent creusés rayonnant autour de la mare centrale. Des plantations d'arbres furent entreprises sur les terrains assainis. Si les chasseurs à courre se réjouirent de l'entreprise, elle ne fit cependant pas l'unanimité. Un rédacteur du journal l'Artiste écrit, sur un ton sarcastique, à ce sujet : "La mare aux Evées était jadis une vaste crapaudière, il est vrai, mais c'était le sublime du genre, le désordre primordial le plus vigoureux, le fouillis marécageux le plus riche, entouré d'un vaste amphithéâtre des arbres les plus vieux et les plus remarquables. La grandeur exubérante de la végétation dans tout ce canton prouvait surabondamment que l'influence de ce marécage n'était rien moins que délétère et les exhalaisons ne pouvaient nuire aux habitations, dont la plus voisine est distante de deux lieues. Mais les forestiers ont cru faire un coup de maître en appliquant sur ce terrain le principe du dessèchement des marais et vite on s'est mis à faucher le fouillis aquatique, puis à pratiquer des saignées qui se rattachent à une petite mare centrale et il en est résulté un beau soleil dont les rayons sont des fossés d'eau verte et des digues de sable jaune : ce que voyant, les forestiers se sont applaudis, car ils avaient réussi à tracer une figure fort régulière."
Photo D.Armanini

Aujourd'hui, l'attrait principal du lieu est, outre l'originalité de sa configuration, la grande variété d'espèces naturelles qu'on y trouve et notamment de beaux cyprés chauves près du bassin central. Le mot 'évée' serait issu du vebe 'aiver' qui dans le vieux français signifiait 'fournir en eau, arroser'. Selon une autre théorie, son nom proviendrait de "œuvée", lieu où les oiseaux et les serpents déposaient leurs œufs.
Nous nous soucions peu d'avoir à trancher entre les deux hypothèses et nous préférons faire le tour de la mare où nagent paisiblement quelques canards puis nous empruntons un chemin sur un étroit talus entre deux de ces innombrables fossés pour nous éloigner de la mare.

Nous rejoignons ainsi une belle allée qui va nous conduire jusqu'au parking de l'Épine Foreuse pour conclure cette rando si riche en patrimoine.

Merci à Jacques pour les compléments d'information qu'il m'a fait parvenir pour enrichir cet article.
Carte de notre circuit :
Le plan imprimable et le fichier GPX de ce circuit sont accessibles dans l'onglet "GPX&PDF". (Mot de passe nécessaire)

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