dimanche 3 juillet 2022

Meaux (Aimé le 03/07/2022)


Photos de la matinée.
Photos de l'après-midi.
Aimé
nous a concocté, pour ce beau dimanche agréablement ensoleillé, une rando/pique-nique à Meaux. Meaux, ville la plus peuplée de Seine-et-Marne, réputée pour son fromage, jouit également d'une forte dynamique culturelle grâce à son riche patrimoine. Meaux bénéficie ainsi du label envié de  "ville d'art et d'histoire". Parmi les lieux et monuments les plus connus, on retrouve la cathédrale Saint-Etienne, le jardin Bossuet, le Palais Épiscopal ou encore le monument américain. Aimé a prévu une visite du Musée de la Grande Guerre en matinée et une balade de découverte dans le centre-ville, l'après-midi où nous pourrons notamment découvrir le musée Bossuet et visiter la somptueuse cathédrale. Aimé n'a pas choisi au hasard cette date du 3 juillet ; en effet, les  musées que nous allons visiter proposent, tous deux, un accès gratuit les premiers dimanches de chaque mois. Comme BDV a un sens aigu des intérêts de ses adhérents, ce premier dimanche de juillet s'imposait.


 Le Musée de la Grande Guerre.
Jean-Pierre Vernay, historien passionné, avait constitué pendant plus de quarante ans, une collection impressionnante consacrée à la "grande guerre" rassemblant, 50 000 objets et d'innombrables documents.

En 2005, la Communauté d'Agglomération du Pays de Meaux fit l'acquisition de cette fabuleuse collection et décida de la mettre en valeur par la création d'un musée d'envergure. Son implantation fut prévue au pied du spectaculaire monument américain que les USA ont offert à la France en 1932.
C'est l'architecte François Lab qui conçut le projet de ce véritable écrin contemporain, idéal pour déployer la collection et proposer au grand public un regard averti sur 14-18. Inauguré le 11 novembre 2011, fête de l'Armistice,  le musée accueille en moyenne 100 000 visiteurs par an. Une grande nef et divers espaces thématiques constituent un parcours chronologique qui couvre trois grandes périodes :

👉L'avant-guerre de 1870 à 1914   :

Ici, une iconographie choisie permet d'appréhender, dans les sociétés européennes, l'état d'esprit et les alliances qui vont conduire au déclenchement du conflit : la défaite de 1870, l'humiliation liée à l'annexion de l'Alsace et une part de Lorraine, la proclamation de l'Empire Allemand à Versailles, etc..
Deux alliances antagoniques  la Triple Entente (France, Russie, Grande Bretagne) et la Trilice (Triple  Alliance entre Allemagne, Autrice/Hongrie et Italie) vont naître dans une Europe divisée où l’'esprit de revanche est cultivé dans la presse et dans l'école publique où on forme les esprits et 🔰les corps. 
🔰L'assassinat de l'archiduc François Joseph  et de son épouse provoqua la Guerre entre l'Autriche/Hongrie et la Serbie, patrie de l'assassin de l'archiduc  héritier du trône austro-hongrois. On assiste ensuite  à l'emballement tragique des évènements. Le 31 Juillet 1914, 🔰Jean Jaurès,  socialiste pacifiste qui voit l'Europe courir à sa perte, est assassiné par Raoul Vilain. La gauche  et le monde ouvrier vont par la suite rallier la cause nationale et dès lors, il n'y aura plus aucune opposition pour empêcher la guerre. Le premier août 1914, l'Allemagne déclare la guerre, à la Russie, puis, le 3 août,  à la France. Le Royaume-Uni entre également dans le conflit, suite à l'invasion de la Belgique par les troupes allemandes.
Emportés par le sentiment national, les hommes rejoignent les casernes parfois dans l’allégresse. Beaucoup pensent partir 🔰"la fleur au fusil"  pour "un été" au maximum.

👉Le Conflit  de Août 1914 à Novembre 1918   :

 
Nous entrons dans la grande nef du musée. 🔰Une vidéo  permet d'apprécier les mouvements des différentes troupes en présence et l'évolution des lignes de front entre août et septembre 1914. On comprend que la stratégie allemande avait été envisagée de longue date. On localise aisément les sites des batailles et l'avancée allemande jusqu'à la Marne. À Paris, menacé, se poursuivent activement les travaux de défense.
Le 5 septembre, Gallieni attaque le flanc du front allemand sur l'Ourq. Le 6 septembre 🔰Joffre  organise la contre-attaque sur un front de 300 kilomètres. Les 🔰taxis parisiens  entrent dans la légende, embarquant une partie des 5000 hommes venus en renfort sur le front. Les allemands battent en retraite. C'est la victoire de la Marne.
Le front va se stabiliser un peu plus au nord. Nous entrons dans la longue période particulièrement inhumaine que fut la guerre des tranchées.
Au centre de la nef muséale, ont été minutieusement reconstituées deux tranchées, une 🔰française,  l'autre 🔰allemande.  On y devine les difficiles conditions de la vie des soldats. On observe l'armement utilisé.
Plus loin, sont exposés les véhicules employés pour acheminer troupes et matériel. Des espaces thématiques exposent les 🔰objets.  utilisés au quotidien par les poilus, leur petites créations artisanales, leur correspondance avec les êtres chers, etc... La 🔰médecine de guerre  est abondamment documentée ; on appréhende l'évolution des soins, des techniques, des prothèses, du matériel de chirurgie. La chirurgie esthétique fait d'immenses progrès dans sa mission au chevet des 🔰Gueules cassées. 

Une importante partie de la collection est consacrée au costumes et uniformes des corps d'armée des différents belligérants. L'armement reste le point fort de la collection. Toute la thématique est richement représentée du plus simple pistolet jusqu'au plus lourd matériel 🔰d’artillerie  en passant par d'innombrables batteries de mortier. Dans les communications, le téléphone de campagne se développe même si les pigeons s'imposent toujours pour leur fiabilité. L'aviation d'abord utilisée pour la reconnaissance passe progressivement à l'offensive. Une mitrailleuse synchronisée avec l'hélice apparaît. Dès 1918, l'aviation joue un rôle offensif majeur. La marine connaît pareille évolution. L'Allemagne engage dès 1917, une guerre sous-marine intense qui porte des coups très durs au commerce allié. Les américains voyant leurs lignes maritimes en péril, vont d’abord apporter un appui logistique sur mer aux Alliés puis entrer dans le conflit.
La visite de la nef se termine sur ce thème de la mondialisation du conflit. On évoque l'entrée en guerre du Japon dès 1914 aux côtés de l'Entente. Les japonais mirent fin à la présence allemande en extrême orient mais n'intervinrent pas directement en Europe. L'Empire Ottoman, lui rejoignit la Trilice et fit face aux franco-britanniques aux Dardanelles. Les arméniens, accusés par les turcs de soutenir la Russie, vont alors subir un véritable génocide. L'Italie change ses alliances en 1915 et, aux côtés de l'Entente, connaîtra des pertes considérables sur le front des Alpes. La France aligne des combattants issus d'Afrique. Les 🔰tirailleurs sénégalais  se révèlent être des combattants redoutables. Les États Unis entre en guerre aux côtés des Alliés en 1917, entraînant avec eux des états d'Amérique du Sud. À partir de mars 1918, 🔰les américains  débarquent à raison de 250 000 hommes par mois. Ils seront bientôt près de deux millions en Europe. Le général 🔰Pershing  lance ses troupes entre Meuse et Argonne dans le cadre de l'offensive générale conduite par 🔰Foch.  Les Alliés reprennent l'initiative. La dernière offensive allemande, le "friedensturm" est contrée par Gouraud. Foch attaque le 18 juillet à Villers-Cotterêys. Les allemands repassent la Marne le 20 juillet. La ligne Hindenburg est rompue le 29 septembre. L'Allemagne harcelée de toutes parts formule une demande d'armistice le 6 novembre. C'est une capitulation de fait. L'Armistice prend effet le 11 novembre 1918 à 11 heures.

👉L'après-guerre de 1918 à nos jours   :

Le monument américain (décapité)

Les dernières salles du parcours sont consacrées à la période suivant le conflit. Le bilan est très lourd : plus de 10 millions de morts, des dizaines de millions de blessés, un pays à reconstruire. Le 🔰Traité de Versailles  (1919) ramène l'Alsace-Lorraine à la France mais suscite un terrible sentiment de rancœur côté allemand, véritable creuset du second conflit mondial. Trois autres traités (Saint -Germain, Neuilly et Sèvres) réorganisent, en 1919, la carte de l'Europe. On pense ainsi créer un monde plus juste, on espère que cette guerre sera la ‘der des der'. Cet immense espoir fut rapidement balayé car même si la France préféra, en 1936, le Front Populaire au fascisme, la montée, dès 1933, du nationalisme et de l'antisémitisme en Allemagne va finalement entraîner le monde tout entier dans un conflit plus épouvantable encore, entre 1939 et 1945.
Ce bref résumé sur notre visite est, à l'évidence, beaucoup trop sommaire, mais l'épreuve est impossible de condenser une telle richesse d'informations dans un court texte alors que sont consacrés à ce conflit des centaines d'ouvrages dont quelques-uns sont exposés dans la petite librairie que nous découvrons au terme de notre plongée dans l’histoire.
Nous montons sur la terrasse des toits du bâtiment depuis laquelle, on peut admirer le célèbre monument américain de 26 mètres de haut. 
 (Ô Surprise, la célèbre statue de 26 mètres de haut nous apparaît décapitée. C'est la foudre lors d'un violent orage de juin 2021 qui a détruit la tête de la statue dont il ne reste plus que le menton. Voir ici, l'article paru  à ce sujet dans le journal 'La Marne'.)


 Le Musée Bossuet.
Photo J.Fillis

Confortablement installés à l’ombre, nous terminons notre 🔰pique-nique  et rejoignons nos véhicules pour prendre la direction du parking rue Jean Jaurès près du centre-ville à partir duquel Aimé a organisé notre circuit dans la vieille ville. Nous dépassons la Place Henry IV pour nous engager dans la très commerçante 🔰rue du Général Leclerc  réservée aux seuls piétons. Nous prenons la petite rue Tronchon qui s’insinue entre des immeubles très anciens, puis, rue Notre Dame, nous passons devant le 🔰Vieux-Chapitre.  L'intérêt architectural de ce château réside dans son escalier extérieur qui permet d’accéder à l’étage noble. Il était à la fois  le lieu de réunion des chanoines et le lieu d’exercice de leurs prérogatives comme la perception des dîmes. Les salles voûtées du sous-sol et du rez-de-chaussée permettaient d'entreposer le vin, le bois et le grain prélevés au titre de cet impôt. Entre 1930 et 1935 des travaux permirent de sauver l'édifice. La passerelle reliant la cathédrale au Vieux-Chapitre fut construite à cet occasion. Nous arrivons au pied du vieux 🔰rempart médiéval.  Nous le longeons jusqu’au 🔰mémorial de guerre  qui s’élève devant les anciens locaux de l’Hôtel de Ville. Nous entrons maintenant dans le petit Jardin Bossuet. Nous profitons de l’ombre fraîche d’une longue allée bordée de tilleuls. Le parc est remarquablement entretenu et fleuri. Aimé attire notre attention sur la belle façade du Palais Épiscopal. Sept hautes fenêtres s’y organisent dans une parfaite symétrie. Aimé nous apprend que la fenêtre située immédiatement à gauche de la grande fenêtre centrale est en réalité une fausse fenêtre qui cache un mur extérieur du bâtiment. Ce parfait trompe-l’œil contribue à la belle apparente symétrie de ce bâtiment du XIIe siècle réaménagé au XVIIe siècle. Le palais abrite aujourd’hui le Musée Bossuet. Aimé, qui a très soigneusement préparé notre périple, nous dit un mot sur 🔰Jacques-Bénigne Bossuet  (1627-1704) grand théologien et illustre orateur. Issu d’une famille de magistrats, il fit des études classiques, étudia les langues anciennes, la philosophie et la théologie. Réputé pour son éloquence, pour ses sermons et ses oraisons funèbres, il est aussi l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages théologiques. Il fut le précepteur du dauphin, fils de Louis XIV avant d’être nommé Évêque de Meaux, ville où on le surnommait l’Aigle de Meaux.
Le musée comporte une dizaine de salles, dont certaines très vastes consacrées essentiellement à la peinture et à la sculpture. Y sont également exposés de nombreux objets d’histoire locale. La grande salle du rez-de-chaussée accueille des expos temporaires d’œuvres contemporaines (L’expo du moment est ‘M for ever’ de Jean Lancri. Un 🔰orgue monumental  flambant neuf, construit sur le modèle de l’orgue de Bach, vient d’être installé dans cette salle.  Un concert inaugural est programmé en septembre 2022 pour sa mise en service.
Nous circulons de salle en salle, impressionnés par la grande diversité des œuvres, admirant la qualité de quelques bronzes remarquables, appréciant le facture du mobilier, nous attardant devant une gargouille à tête de chien ou une maquette de ce que fut le 🔰Pont du Marché.  à l’époque où le longeaient de belles demeures adjacentes à son tablier, construites sur de hauts pilotis.

 La Cathédrale Saint-Étienne.
La cathédrale se dresse à deux pas du Palais Épiscopal. Nous admirons l’impressionnante façade avec ses trois portails monumentaux surmontés d’élégants gables flamboyants. Le gable central est lui-même surmonté d’une grande rosace elle-même flamboyante. La grande tour mesure 60 mètres de haut. Sur notre droite, on ne trouve pas la seconde tour symétrique. Elle n’aura jamais vu le jour et le clocher "provisoire" bâti dans l'attente est devenu totalement définitif. Le mélange des styles (gothique rayonnant et gothique flamboyant) qu’on observe sur la façade se retrouve à l’intérieur de l’édifice. Cette diversité ne porte pas atteinte à l'esthétique générale du sanctuaire. C’est la très longue durée de sa construction qui a laissé cette grande diversité architecturale. La construction commencée au XIIe siècle ne s’achèvera, en effet, que quatre siècles plus tard, au milieu du XVIe siècle. Cette longue attente est liée aux troubles provoqués par la guerre de Cent Ans et l'occupation anglaise de la cité. D’autres perturbations marquent l’édification comme l’affaissement du chœur à cause de mauvaises fondations. Plus tard, en 1562, la cathédrale fut pillée et endommagée par les huguenots nombreux en pays de Meaux. Au début du XIXe siècle, la foudre tombe sur la cathédrale détruisant une partie de l'orgue, la porte d'entrée et une tourelle. L’explosion d'un magasin de poudre voisin fragilise un peu plus la structure. Une longue restauration a lieu de 1839 à 1894. Le pourtour du chœur est refait ainsi que les arcs-boutants de la nef. La troisième travée de la nef élevée dans le style flamboyant est modifiée pour s'inscrire dans le style rayonnant des autres travées, selon le principe en vigueur qui prônait l'unité de style, quitte à altérer les monuments.
Nous déambulons dans l’immense vaisseau impressionnés par l’élévation des colonnes et la grâce des voûtes sur croisée d’ogives. Nous contournons le chœur, admirons les immenses 🔰vitraux  surplombant chacune des cinq vastes chapelles rayonnantes du chevet. Nous nous arrêtons un instant pour observer le grand orgue que Victor Gonzalez, en 1934, a construit dans l'esthétique néoclassique naissante pour remplacer les orgues anciennes qui dataient du XVIIe siècle. Nous marquons encore un temps d’arrêt devant la 🔰statue monumentale  consacrée à Bossuet, évêque de Meaux. On doit à Ernest Henri Dubois cette imposante sculpture placée dans la cathédrale en 1911.


Il est temps de clore la visite. Nous nous dirigeons vers la 🔰Marne,  passons devant le Pont du Marché, retrouvons la place Henri IV puis la Rue Jean Jaurès, son parking et nos véhicules.
Un immense merci à notre cicérone, Aimé, pour sa documentation et les explications qu'il a communiquées tout au long de cette balade particulièrement riche de notre histoire nationale.

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