lundi 7 juin 2021

Coubert, Cordon, Suisnes (Aimé le 01/06/2021)

Photos du jour.




C'est une journée estivale qu'Aimé a choisie pour nous conduire sur une boucle d'un peu plus de 9 kilomètres en pays briard, au départ de la contre-allée du Chemin des Roses à Coubert. La balade est en grande partie champêtre ; casquettes et chapeaux nous seront indispensables sous ce grand  soleil du premier juin.


(Vous remarquerez que, malgré les recommandations actuelles, je persiste à utiliser la numération romaine pour définir les siècles. La force de l'habitude et le charme ténu des traditions désuètes...)



Photo ci-contre : la rose "bougainville". (Pixabay Licence)







De Coubert à Suisnes par les champs.
Photo D. Armanini.
Nous prenons plein sud par le chemin rural de Coubert à Soignolles. Nous contournons un vaste espace de surfaces agricoles ; le blé est déjà bien monté en épi fourni, les feuilles des betteraves récemment semées apparaissent déjà, le colza a perdu ses fleurs et sa belle couleur de mai. Nous prenons plein ouest maintenant par le chemin du bois de Rubantel, direction Cordon. Une passerelle permet de traverser la très roulante D471. Un gendarme s'y est installé à l'affût, totalement invisible depuis la route. Il braque sa caméra-laser en contre-bas sur des automobilistes trop pressés qui seront verbalisés un peu plus haut au niveau du grand rond-point situé près du 'Panier de la Ferme'. Nous voici à Cordon, minuscule hameau de Grisy-Suisnes. Nous prolongeons vers l'ouest par la Rue des Vignes dont le nom rappelle le passé viticole de la région. Les vignes furent ravagées par le phylloxéra à la fin du XIXéme siècle. Rappelons-nous qu'avant la venue depuis l'Amérique de la redoutable mouche parasite, le vignoble francilien occupait 42 000 hectares et constituait, à l'époque, le plus important vignoble de France.
Prieuré de Vernelle (Screenshot Google Maps)


Nous traversons l'Yerres qui définit ici une limite entre les communes. Nous sommes, maintenant sur les terres d'Évry-Grégy. Nous empruntons un étroit sentier vers le 'Prieuré de Vernelle'. C’était un prieuré de l’ordre de Saint-Benoît (les bénédictins), dépendant de l’abbaye de Chaumes-en-Brie. Une chapelle du XIIIéme siècle, la chapelle Saint Leu,  s'y élève au milieu des bâtiments qui l'entourent. Ce petit domaine, nous le verrons, un peu plus loin, revêt une importance toute particulière dans l'histoire de la Rose en Île de France. Nous poursuivons vers la rue de la Baratte à Suisnes.
Juste avant de repasser l'Yerres, sur notre droite s'étend un champ qui fut le lieu de tournage du film de  Jean Girault "La soupe au choux". Selon le roman de René Fallet, l'histoire est censée se dérouler à Jaligny-sur-Besbre dans l'Allier, mais le tournage du film s'est effectué en Seine-et-Marne. Les maisons des deux protagonistes (Villeret et De Funès) ont été construites dans ce champ tout près du Prieuré. Elles furent démontées à l'issue du tournage. 
Nous remontons le coteau vers Suisnes, un autre petit hameau de Grisy-Suisnes. Nous arrivons devant la grille du Château de Suisnes de laquelle il est bien difficile d'apercevoir le château

Le Château de Bougainville à Suisnes.
Antoine de Bougainville (Wikimédia Commons)

C'était une maison bourgeoise à la campagne qu'on appellait le "vide bouteille de la Baratte", que Bougainville a achetée en 1799 pour s'y reposer. Un "vide bouteille" est une petite maison de plaisance avec jardin, près de la ville où l'on se réunit pour boire ou se divertir. Le Comte Louis-Antoine de Bougainville est un officier de marine, navigateur et explorateur français. C'est lui qui, de 1766 à 1769, effectua le premier tour du monde officiel français. Le botaniste Philibert Commerson qui l'accompagnait dans ce périple a, en l'honneur du capitaine, baptisé du nom de "bougainvilliers" un arbuste découvert au Brésil "" et du nom de "bougainvillée" sa fleur remarquable. Bougainville a déjà 70 ans quand il s'installe à Suisnes avec sa jeune épouse âgée de 39 ans et ses quatre enfants. Son architecte, François-Joseph Bélanger, crée une nouvelle façade dans un style néoclassique très à la mode en cette fin de XVIIIéme siècle, avec son escalier éventail orné de quatre colonnes doriques surmontées d'un fronton triangulaire représentant deux antiques lions ailés.


 
Rose "Blanc Double de Coubert" (Pixabay Licence)

Bougainville embauche un jeune et brillant jardinier, Christophe Cochet, qui fait des merveilles en fleurissant les allées du château. Conscient de la valeur de son jardinier, Bougainville l'encourage à installer une véritable roseraie. En 1802, avec l’aide financière de Bougainville, Christophe Cochet achète le Prieuré de Vernelles où il installe sa toute première roseraie. Grâce aux recommandations du Comte, la roseraie Cochet très réputée dans la région connut rapidement un vif succès. Il étendit sa production ainsi que le nombre de variétés de roses grâce à la maîtrise des greffes. Les pépinières de Suisnes prirent ainsi une grande extension, elles atteindront 28 hectares. Les descendants de Christophe Cochet poursuivirent sans interruption la culture des roses à Suisnes. Au début du XXéme siècle, la production prit une telle ampleur qu’on mit en circulation un train spécial pour acheminer les roses jusqu’aux halles de Paris. Scipion Cochet (1833-1896), petit-fils de Christophe Cochet, créa en 1877, la très réputée revue savante mensuelle "le Journal des Roses". Un autre petit-fils de Christophe Cochet, Philémon Cochet, se marie avec la fille du maire de Coubert, et vient s’installer comme rosiériste à Coubert. Son fils Charles Cochet créa en 1892, une rose blanche dont les pétales fins et volumineux semblent se superposer indéfiniment. Elle est reconnue parmi les variétés de roses anciennes et a fait la célébrité de Coubert sous le nom de « Blanc double de Coubert ». Avec le décès de Charles Cochet, disparaît la dernière "grande figure" de la rose pour la famille Cochet à Grisy-Suisnes. Après la première guerre mondiale, les rosiéristes durent faire face à la concurrence Hollandaise. Aujourd'hui, la rose classique est essentiellement importée d'Afrique, d'Équateur, des Pays-Bas, et même d'Italie. Le dernier rosiériste installé à Grisy-Suisnes produit des roses haut de gamme moins perméables à la concurrence.
Le passage de la famille Bougainville à Suisnes fut marqué par le drame de la mort accidentelle du second fils du Comte, Augustin, à l'âge de 16 ans. Lors d'une balade en barque sur l'Yerres, probablement pour épater ses amies, le garçon se positionna debout sur les bords de l'embarcation et glissa. Son vêtement accroché par un clou qui dépassait du franc-bord l'empêcha de se sortir des eaux tumultueuses et il ne put être sauvé. Bougainville, effondré par le chagrin et la douleur, se serait exclamé en pleurs dans les bras de son jardinier : "C'est le plus grand malheur de ma vie ! J'ai navigué sur toutes les mers, j'ai fait le tour du monde et mon fils s'est noyé dans un crachat". Madame de Bougainville ne se remit jamais de cette tragédie et fut emportée par la maladie le 6 août 1806 à l'âge de 47 ans.

Le Chemin des Roses.
Photo JPL

Nous rejoignons le "Chemin des Roses" à mi-chemin entre la gare de Grisy et la gare de Coubert. Ce chemin suit le tracé de l'ancienne ligne Paris/La Bastille – Verneuil l’Etang qu'on appelait la "ligne de Vincennes" ou la "ligne-V". C'est une des dernières lignes de chemin-de-fer créée à partir de Paris. La ligne fut définitivement fermée en 1964. La gare de Grisy-Suisnes était tout particulièrement désignée pour accueillir le Musée de la Rose parce que c'est à partir de ce lieu que sont parties des tonnes de roses, vendues dans la nuit sur le carreau des Halles. A partir de 1900, les trains furent appelés « trains des rosiéristes ». Aujourd'hui le chemin des roses ouvert aux piétons et aux cyclistes, long de 20 kilomètres, permet d'aller de Servon jusqu'à Yèbles sans discontinuer. La partie de l'ancienne ligne entre Yèbles et Gretz, enfouie sous les surfaces agricoles, n'a pas été réaménagée (Le sera-t-elle un jour ?). Les anciennes gares et les nombreuses maison de garde-barrière ont été le plus souvent conservées. Nous, adhérents de B.D.V,  avons eu maintes occasions de promener nos sacs à dos sur ce chemin dans nos randos sur Mandres/Villecresnes, Servon/Brie, Grisy-Suisnes/Coubert, Soignolles/Solers, Yèbles/Solers. Nous l'empruntons, maintenant en direction de l'ancienne gare de Coubert près de laquelle nos voitures sont garées. C'est l'occasion d'y pouvoir observer, à cette saison, les aubépines en fleurs qui ont été plantées en nombre le long du chemin. (Appartenant à la famille des rosacées, l'aubépine a, bien sûr, toute sa place sur le chemin des roses). Il ne nous reste plus, avant de nous séparer,  qu'à remercier Aimé pour l'excellente organisation de cette belle balade.

Annexe : (Le musée de la rose près de la gare de Grisy-Suisnes).
Photo JPL
Sur un terrain de 1700 m2, jouxtant le musée, 2000 porte-greffes ont été plantés en novembre 2011, greffés en août 2012, pour une première floraison en juin 2013, au moment de l’inauguration du site. Les visiteurs peuvent y flâner librement, admirer et comparer les couleurs, humer les différents parfums, ou tout simplement profiter d’un banc au cœur des parterres de roses. Une buvette propose café, thé ou boissons rafraîchissantes.
Le musée accueille les visiteurs tous les dimanches après-midi d'avril/mai/juin/juillet et septembre.

Plan de notre circuit.
Le plan imprimable et le fichier GPX de ce circuit sont accessibles dans l'onglet "GPX&PDF". (Mot de passe nécessaire)

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